Intervention de Jean-Pierre Philibert

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 16 avril 2020 : 1ère réunion
Étude sur l'urgence économique en outre-mer — Audition de M. Jean-Pierre Philibert président de la fédération des entreprises d'outre-mer fedom

Jean-Pierre Philibert, président de la FEDOM :

Je souscris à de nombreux éléments mis en avant par M.Victorin Lurel. En Guadeloupe, à l'initiative du préfet, du président de la CCI et de la Direction régionale des finances publiques (DRFIP), un projet a été mis en place pour examiner comment les collectivités pourraient régler les entreprises. MM. Georges Patient et Jean-René Cazeneuve ont produit un rapport sur ce sujet et un autre rapport a été réalisé par la Cour des comptes voici quelques semaines.

M. Victorin Lurel a rappelé qu'une entreprise à qui on doit de l'argent peut se tourner vers la BPI. Néanmoins, cette procédure coûte cher et n'est pas définitive. Il propose un dispositif d'aide aux collectivités, pour permettre aux entreprises de payer leurs charges salariales. Cette piste mérite d'être creusée. En Guadeloupe, de nombreuses entreprises doivent récupérer des sommes correspondant à un an de chiffre d'affaires.

Je rebondis ensuite sur l'intervention de M. Guillaume Arnell. Dans les précédentes lois de finances, nous avons défendu des mesures permettant de bénéficier de défiscalisations pour la réhabilitation hôtelière dans les territoires le nécessitant particulièrement, comme Mayotte et la Guyane. Nous avions demandé l'inclusion de Saint-Martin dans ce dispositif, ce qui avait été refusé. Il est très important que ce territoire puisse bénéficier d'un outil de réhabilitation de ses hôtels, notamment ceux d'une taille modeste. Il faudrait apporter une réponse territoriale sur ce sujet, tenant compte des besoins particuliers.

Mme Vivette Lopez a évoqué le bouclier qualité-prix, qui a été élargi. La ministre en a fait son cheval de bataille. Nous sommes très attachés à éviter tout abus sur ce point. Plusieurs entreprises sollicitent des PGE à 0,25 %, alors qu'elles n'en ont pas besoin, pour mobiliser ces sommes sur des placements rémunérateurs. Il faudra donc que le Gouvernement reste vigilant afin que certaines entreprises ne profitent pas de la situation pour améliorer leur position de trésorerie.

De nombreuses entreprises de très petite taille, notamment celles qui ne comptent aucun salarié, sont condamnées à mourir dans la situation actuelle. Il faut tenir compte de cette réalité ultramarine.

Dès le début de la crise, j'ai alerté la ministre sur quatre points très importants pour nous. Le premier consiste à assurer la continuité territoriale, notamment la continuité de fret. Je lui ai ainsi demandé de réquisitionner des compagnies aériennes à ce titre. Cela a été le cas avec Air Austral, entre Mayotte et La Réunion, ainsi qu'Air Antilles et Air Tahiti nui, pour des liaisons avec la métropole. Le gouvernement doit utiliser cet outil.

Il importe aussi que le Gouvernement s'attache à étudier les conditions dans lesquelles le statut peut être dépassé. Il ne s'agit plus maintenant d'effectuer des arbitrages pointillistes en fonction du degré d'autonomie. De nombreuses entreprises vont mourir et des salariés vont connaître de très grandes difficultés, ce qui entraînera une explosion de la pauvreté. Les réponses doivent à présent être adaptées à l'urgence et non au statut.

Nous avions de plus demandé au Gouvernement de se pencher sur les contraintes du fonds de solidarité.

Enfin, pour des entreprises qui vont mourir, le report de charges n'est pas suffisant. Il faut des annulations de charges et de dettes. Aujourd'hui, en raison de l'absence de recettes, de simples reports ne suffiront pas à régler les difficultés. Les charges doivent être annulées jusqu'à la prochaine saison, car l'activité ne repartira pas avant l'hiver, au mieux. Ne regardons pas les outre-mer avec une règle strictement budgétaire, mais avec davantage d'humanité, comme des territoires comportant des hommes et des femmes qui souffrent déjà et qui souffriront plus encore.

Le Gouvernement a déjà levé de nombreux verrous pour sauver l'économie. Il faut peut-être tenir davantage compte de la réalité de nos économies, de nos réalités sociales, pour faire redémarrer notre BTP, pour que les Guadeloupéens puissent bénéficier d'eau, pour que la Guyane soit dotée d'infrastructures, pour que les hôtels soient reconstruits à Saint-Martin, pour qu'à La Réunion, nous retrouvions des conditions de vie normales.

Dans quelques semaines, nous reviendrons vers vous, pour vous présenter les solutions de sortie de crise sur lesquelles nous avons travaillé. Je vous remercie pour vos questions, qui étaient très pertinentes. Nous y apporterons des réponses chiffrées et argumentées.

J'ai été très touché par votre nombre, dans des conditions de travail difficiles. J'indiquerai dans quelques minutes aux chefs d'entreprise que la Délégation sénatoriale aux outre-mer est mobilisée pour les écouter et répondre à leurs interrogations, leurs doutes et leurs angoisses.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion