Cette audition a été formidable car tant de sujets abordés figurent dans notre rapport. Cela nous conforte dans nos orientations et nous permettra également de formuler des propositions complémentaires.
Avec Michel Dagbert, co-rapporteur, nous avons travaillé durant six mois, entendu une cinquantaine d'acteurs très divers : des particuliers, des associations, des organismes et naturellement l'État afin d'appréhender cette question du patrimoine historique et architectural des communes. Nous avions particulièrement axé ce rapport sur l'étude des petites communes car, comme vient de le souligner Stéphane Bern, ce sont elles qui connaissent la situation la plus compliquée, et ce même avant cette crise qui ne pourra que l'aggraver.
Il ressort de nos travaux une conviction forte : les Français aiment leur patrimoine. 86 % d'entre eux se disent « attachés » et 95 % jugent qu'il est « important de le sauvegarder ». Cela est significatif, bien que la notion de patrimoine recouvre une acception différente selon chacun. Et il y a péril en la demeure, si j'ose dire : 23 % des immeubles protégés au titre des monuments historiques sont en mauvais état et un certain nombre sont en situation de péril grave.
Le tragique incendie de la cathédrale Notre-Dame nous a montré l'extrême fragilité de notre patrimoine, mais aussi le formidable élan de solidarité des Français : ils ont donné 922 millions d'euros. Le Loto du patrimoine confirme cette envie de participer à la hauteur de ces moyens. Ils sont d'ailleurs plusieurs millions à suivre les émissions sur le patrimoine (comme celles de Stéphane Bern, que nous venons d'entendre) et 12 millions à s'être rendus aux dernières « Journées du patrimoine ». Cela montre bien que ce sujet touche à l'âme des Français.
Le patrimoine est donc une vraie passion française. Il faut dire que nous abritons un patrimoine exceptionnel de 45 000 monuments protégés (classés ou inscrits), auxquels il convient d'ajouter tout le patrimoine non protégé mais qui présente un intérêt par son témoignage de la vie de nos communes. Je pense aux ensembles urbains, lavoirs, granges, moulins, puits, calvaires, bâtiments industriels.... Tout ce patrimoine compte et la liste est longue. Il faudrait d'ailleurs un travail titanesque de recensement au niveau national. Faute de recensement, il est impossible d'avoir une estimation du coût et des moyens à mettre en oeuvre. Tout ça, sans compter l'immense majorité des églises qui sont la propriété des communes depuis la loi de 1905... beaucoup d'ailleurs sont protégées au titre des monuments historiques. Celles qui ne le sont pas constituent un énorme sujet.
Monsieur le Président, vous nous aviez confié un rapport sur les collectivités territoriales et le patrimoine portant sur les communes, et en priorité les communes rurales, à l'issue de cette fameuse table ronde où étaient présents les ABF mais aussi les représentants des labels. Nous avions bien senti que l'ensemble des acteurs connaissait des difficultés à interagir et qu'il y avait un intérêt à apporter un regard pragmatique d'inventaire sur ce qui pouvait être mis en oeuvre dans le domaine du patrimoine afin d'accompagner les communes et de formuler des propositions pour améliorer la situation.
Il faut savoir que ce sont les communes qui hébergent l'essentiel du patrimoine : près de 15 000 d'entre-elles disposent d'au moins un monument historique. La majorité de ce patrimoine est situé dans des petites communes : 50 % des édifices protégés au titre des monuments historiques sont situés dans des communes de moins de 2 000 habitants. 41 % du patrimoine protégé en France est la propriété des communes, 43 % la propriété de personnes privées et 4 % propriété de l'État. Or, comme Stéphane Bern l'a rappelé, il n'est pas possible de déconnecter le propriétaire privé de la commune où se situe sa propriété.
Évidemment, les enjeux autour du patrimoine sont lourds dans nos territoires... Les associations de protections que nous avons auditionnées ont toutes insisté sur ce point : c'est un facteur de cohésion sociale et territoriale car nous touchons à l'identité même de nos communes. On parle là également d'un facteur de transmission entre générations...
C'est aussi un formidable outil de développement de l'économie locale : ce sont des emplois souvent non délocalisables, qui font marcher les entreprises artisanales, sans compter le tourisme. Je rappelle que la France accueille 90 millions de visiteurs par an ! Il y a des retombées économiques positives dans le fait de se préoccuper du patrimoine.
Et puis, enfin, c'est un élément-clé d'aménagement du territoire. On le dit dans le rapport : le patrimoine et l'urbanisme doivent aller de concert et non en contradiction. Le patrimoine ne doit pas arriver en fin de route d'un chemin d'urbanisme. Il doit être intégré dès le départ dans la réflexion et constituer un élément essentiel et positif dans les documents d'urbanisme qui peuvent être produits par la suite.
Je conclurai ce panorama général par un dernier chiffre : 633 millions d'euros : c'est la somme que consacrent l'État et les communes chaque année au patrimoine protégé. Ce chiffre ne tient évidemment pas compte des millions d'euros dépensés par des personnes publiques ou privées en faveur du patrimoine non protégé. Ce rapport est moyen de faire prendre conscience que le patrimoine n'est pas seulement une charge mais qu'il constitue aussi une chance. Comme le dit Stéphane Bern : le patrimoine est une chance pour la France !