Nous avons voulu faire de ce rapport une sorte de vademecum pour les nouveaux élus municipaux.
Malgré la crise que nous traversons, il y aura, dans quelques semaines, de nouveaux conseils municipaux. Or, ce sont bien les communes qui sont les premières responsables de la préservation et de la restauration du patrimoine bâti architectural.
Nous voulions être en mesure, à travers ce rapport et en toute humilité, d'accompagner ces communes car l'un des enjeux de la préservation du patrimoine, c'est la bonne information des élus locaux. Quel élu n'a pas un jour dû faire face à la jungle administrative et réglementaire ? Gérer le patrimoine peut s'apparenter à un véritable chemin de croix, si vous me permettez l'expression ! Les conditions dans lesquelles s'effectuent ces chantiers nécessitent au préalable un fort investissement en ingénierie.
Certains élus sont de ce point de vue mieux aidés que d'autres... et les relations avec les ABF, avec les DRAC, se passent plus ou moins bien selon les territoires. Dans certains territoires il y a de l'ingénierie disponible, des CAUE, des intercommunalités plus ou plus performantes et puis, hélas, on trouve d'autres territoires où les choses sont beaucoup plus compliquées. Il faut réunir les bons interlocuteurs, l'expertise, les compétences, bref il faut un accompagnement global et de qualité.
Nous avons essayé, avec Sonia, de montrer cette pluralité des enjeux. C'est important car les élus locaux peuvent souvent se sentir désarmés, d'autant qu'ils ne sont pas toujours formés au patrimoine. Nous nous sommes donc mis dans la peau d'un maire, parce que celui-ci doit faire face à trois grands types de difficultés :
- premièrement, un problème d'identification et de recensement du patrimoine : c'est surtout vrai pour le patrimoine vernaculaire, de proximité, qui souvent n'est pas protégé ;
- le deuxième point est la question de l'ingénierie. En effet, pour monter les projets, il faut trouver les compétences, les bons professionnels. Or on sait très bien que les petites communes sont souvent démunies pour assurer la maîtrise d'ouvrage. Cela nous a été suffisamment répété au cours de nos auditions : il y a un manque cruel d'ingénierie dans certains territoires. Cela freine naturellement les projets de réhabilitation ou d'entretien. Nous pouvons situer le tournant en 2005, lorsque l'État a arrêté d'assurer, pour le compte des communes, la maîtrise d'ouvrage en ce qui concerne le patrimoine protégé. Depuis lors, elles doivent se débrouiller seules ;
- enfin, il existe un problème de moyens financiers : l'entretien et la restauration coûtent cher et les budgets des communes ne sont pas extensibles. Quel maire n'a pas dû un jour faire face à des travaux coûteux sur l'église communale, par exemple ?
Notre rapport reprend logiquement ces trois étapes, et nos recommandations, dont la majorité relève des « bonnes pratiques », sont destinées à faciliter la vie des élus locaux - pour rester fidèles à notre tradition au sein de notre délégation. Je ne serai pas plus long, nous vous avons d'ailleurs diffusé une infographie qui résume le contenu du rapport et qui sera mise en ligne sur le site du Sénat.
J'insisterai tout de même sur quelques points majeurs: Le patrimoine est un héritage culturel qui a une dimension éducative forte : il faut donc poursuivre et amplifier les actions conduites auprès des jeunes générations avec les ministères de l'Éducation nationale et de la Culture.
Un euro investi dans le patrimoine génère 30 euros de retombées économiques sur un territoire, ce qui signifie que les maires ont intérêt à investir. Monsieur le Président, notre délégation avait fait un travail remarquable sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs ; le patrimoine constitue justement un des leviers de dynamisme commercial et touristique qui peut aider dans cette recherche de redynamisation.
Le patrimoine va bien au-delà des « vieilles pierres ». Selon nous, il n'y a pas un patrimoine mais des patrimoines. Il faut insister sur le travail à mener au niveau local pour l'identifier, le cartographier. Les maires peuvent s'appuyer sur les services d'inventaire régional et les associations de protections du patrimoine, dont je veux ici saluer l'investissement de ces associations qui, bien souvent, sont constituées de bénévoles ayant acquis une grande technicité.
Nous devons aussi réfléchir aux nouveaux usages, car le meilleur moyen de protéger un édifice est de lui trouver de nouvelles fonctions. Certaines communes font un travail exemplaire de reconversion d'édifices en logements, services, commerces, théâtres, écoles. Ensuite, il ne faut pas hésiter à rendre ce patrimoine vivant le plus possible : en organisant des animations, des évènements, des visites guidées, des concerts.... Bref, il faut permettre à tout un chacun de se l'approprier, d'y trouver une vocation. Il nous a été rapporté le cas d'une église, qui n'a pas perdu sa vocation cultuelle, mais qui abrite aujourd'hui un bureau de poste. Voilà une façon originale de partager les charges de fonctionnement d'un édifice.
J'ajouterai que le patrimoine doit être un élément à part entière de l'aménagement du territoire. Il peut être extrêmement préjudiciable de le déconnecter des enjeux d'urbanisme local. Or, on a constaté que les maires n'utilisent pas suffisamment les PLU et les PLUI dans ce domaine.
Enfin, les élus n'ont pas toujours le réflexe des labels. Il en existe beaucoup, ce n'est donc pas facile, mais les DRAC, avec les directions départementales des territoires (DDT), peuvent apporter leur aide pour labelliser ce fameux patrimoine du quotidien souvent méconnu. On sait tous que ces labels sont importants pour déclencher des visites touristiques mais aussi pour la médiatisation des lieux sur Internet et les réseaux sociaux.