Intervention de Christine Bonfanti-Dossat

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 2 juin 2020 à 18h00
Examen du rapport

Photo de Christine Bonfanti-DossatChristine Bonfanti-Dossat, rapporteur :

Le rapport de la commission d'enquête est l'aboutissement d'un travail très riche, que nous avons conçu ensemble. Je tiens à vous en remercier, toutes et tous.

Nous allons, avec Nicole Bonnefoy, vous présenter nos principales conclusions et formuler un ensemble de recommandations.

Nous ne reprendrons pas en détail le rapport, très complet, préférant recueillir vos commentaires et observations. En revanche, nous vous présenterons une nouvelle version de quelques pages relatives au suivi sanitaire : nous avons profité des deux derniers mois pour travailler sur ce dossier et avons ainsi obtenu, très récemment, des éléments de la part du préfet de Seine-Maritime, de Lubrizol, de Santé publique France et de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris).

Pour commencer, quelques mots sur la gestion de l'incendie de l'usine Lubrizol, plus exactement de certaines de ses installations et de l'entreprise Normandie Logistique.

Je ne ferai aucune révélation sur l'origine de l'incendie. Notre rôle n'est pas de traiter cette question ; nous attendrons donc les conclusions de l'enquête judiciaire en cours. En revanche - c'est la première observation tirée de nos travaux -, nous nous félicitons qu'il n'y ait eu ni mort ni blessé au sein des forces d'intervention, comme de la population. Avec près de 10 000 tonnes de produits chimiques parties en fumée, le bilan aurait pu être plus lourd !

Au-delà de ce constat immédiat, prouvant l'efficacité de notre système d'intervention, notre rapport relève d'emblée de nombreuses zones d'ombre.

Sur le plan technique, nous sommes nombreux à avoir été frappés des difficultés rencontrées par les équipes d'intervention. Alors que Lubrizol remplissait toutes les conditions requises en termes de capacités d'extinction des incendies, le colonel Jean-Yves Lagalle, directeur du Service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime (SDIS 76), nous a expliqué que les services avaient, par moments, manqué d'eau et que tout s'était bien passé grâce à la contribution, sur la base d'une mutualisation informelle, d'autres exploitants. Nous vous proposerons de formaliser cette bonne pratique.

Sur un plan plus général, la méthode retenue par le préfet témoigne d'un manque de préparation et de prévision. Pour reprendre l'expression d'un de nos interlocuteurs, « le premier mort, c'est le plan ». Encore fallait-il en avoir un, ce qui était loin d'être le cas le 26 septembre ! Je pense, notamment, aux informations partielles communiquées aux élus, aux messages adressés à la population et à tous ceux qui auraient dû se faire le relais de la parole publique.

Devant nous, le préfet a insisté sur l'urgence de mettre en place un système efficace de communication, le cell broadcast ou diffusion cellulaire, pour employer une terminologie française, système déjà préconisé par le Sénat en 2010. On peut attendre de cet outil qu'il comble certaines lacunes, mais ce n'est pas ce qui fera primer la parole publique sur les fausses informations diffusées sur les réseaux sociaux. Pour les contrer, il faut effectivement une réponse en temps réel, par une présence sur ces réseaux sociaux avec une stratégie de communication préalablement établie.

Autre défaillance dans la gestion de la crise, la multiplication des prises de parole des membres du Gouvernement, sur laquelle notre rapport livre une analyse très détaillée. Il n'est pas de bonne méthode d'employer des termes techniques comme « absence de toxicité aiguë » quand on s'adresse au public : comment demander aux personnes qui se trouvent alors sous le nuage de fumée de ne pas en déduire qu'il y a bien toxicité, moyenne ou faible ?

Après la cacophonie des premiers jours, le Gouvernement a créé une instance d'information et de concertation : le comité pour la transparence et le dialogue. Mais promettre la transparence la plus absolue, c'est laisser penser qu'elle pourrait n'être que relative !

À vouloir rassurer plutôt que d'informer, les pouvoirs publics ont pris le risque d'entretenir l'anxiété de la population, et ce d'autant que les relais naturels de la parole publique ont été négligés.

Accident ou catastrophe n'ont que faire des limites administratives. C'est pourquoi les élus doivent être associés très en amont à la gestion de crise. C'est vers eux que les habitants, inquiets et alertés par les réseaux sociaux, se tournent. Nous ne demandons pas qu'ils soient au coeur de l'action, mais il importe qu'ils ne se retrouvent pas démunis face aux attentes des habitants.

De même, la communication de crise doit pouvoir s'appuyer sur les relais essentiels que sont les professionnels de santé : médecins de ville, pharmaciens, infirmiers, tous intervenants à domicile. Ce sont eux qui, par définition, sont en première ligne.

Le manque d'information a été confirmé par notre consultation en ligne et les propos des élus rencontrés à Rouen et dans le Rhône. Ces derniers sont largement tenus à l'écart de la politique de prévention des risques industriels. Renouer le fil du dialogue pour une meilleure coordination avec l'État constitue donc l'un des axes majeurs de nos recommandations. Il est anormal que les maires ne soient pas associés au déroulement des exercices menés en application des plans particuliers d'intervention (PPI), ainsi qu'aux leçons qui en sont tirées.

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