Intervention de Christine Bonfanti-Dossat

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 2 juin 2020 à 18h00
Examen du rapport

Photo de Christine Bonfanti-DossatChristine Bonfanti-Dossat, rapporteur :

Le suivi sanitaire des populations exposées aux conséquences de l'incendie est un axe essentiel de nos recommandations. C'est, depuis le départ, le point le plus sensible et la situation, loin de s'éclaircir, se complique au fil du temps. Ayant reçu encore récemment des éléments nouveaux, nous vous avons fait distribuer quelques pages complétées du projet de rapport.

J'ai déjà mentionné la cacophonie des interventions ministérielles. En matière sanitaire, les intervenants sont multiples et chacun recueille des données dans sa sphère de compétences. Il est donc très difficile de dégager une vue d'ensemble.

Cela a été particulièrement vrai au cours des premiers jours ayant suivi l'accident. Si, comme l'a indiqué Nicole Bonnefoy, la Dreal ignore quelles substances ont brûlé ou se sont dégagées de l'incendie, ce n'est pas l'agence régionale de santé (ARS) qui va le savoir ! Rendre ces données accessibles en temps réel est donc une première étape.

Sur le fond, je distinguerai l'impact sanitaire immédiat et le suivi de long terme.

S'agissant du court terme, les premiers résultats ont été rassurants, tant pour les professionnels exposés, qui n'étaient pas toujours correctement équipés, que pour les personnes habitant sous le nuage de fumée.

En revanche, le suivi de long terme soulève de vraies difficultés.

Sur le plan de la politique de santé, le manque de volonté est manifeste. Au cours de son audition, l'épidémiologiste Émilie Counil a estimé que le point de vue défendu par Santé publique France, l'ARS et Mme Buzyn, selon lequel « il faudrait savoir ce que l'on cherche pour chercher », pouvait être mis en débat dans ces circonstances exceptionnelles. En clair, si on attend des certitudes scientifiques pour lancer des enquêtes de santé, on n'avancera pas. Dans d'autres domaines, comme les effets supposés des ondes électromagnétiques, l'incertitude n'a pas empêché le déroulement d'enquêtes.

Les résultats d'une pré-étude réalisée par Santé publique France l'hiver dernier vont d'ailleurs dans le même sens. Ils mentionnent « une forme de stress latente, se cristallisant autour d'inquiétudes relatives aux effets de l'accident à court et long termes et, particulièrement, aux potentiels risques de cancer ».

L'absence de conclusion tangible des différentes mesures effectuées depuis l'incendie ne contribuera pas à rassurer la population, d'autant que le laboratoire chargé par Lubrizol de pratiquer les prélèvements de sols a égaré les échantillons prélevés pour les Hauts-de-France.

Nous avons voulu faire le point avec Santé publique France avant de conclure nos travaux. Dans un courrier du 25 mai 2020, sa directrice générale reconnaît implicitement le caractère inexploitable des données recueillies jusqu'ici au titre de la surveillance environnementale. Évoquant des éléments d'information très nombreux et des formats de restitution variés, elle juge indispensable, « pour que Santé publique France puisse utiliser les informations disponibles », que « ces données soient structurées dans une base de données, [susceptible de] pouvoir alimenter un système d'information géographique permettant de superposer au panache de l'incendie l'ensemble des prélèvements réalisés et de restituer de manière visuelle l'ensemble des éléments permettant d'apprécier l'impact de cet incendie ». La réalisation de cette base de données aurait à ce jour fait l'objet d'une demande adressée par Santé publique France à l'Ineris, lequel, interrogé par nos soins la semaine dernière, nous a indiqué que la phase de collecte des données était encore inachevée.

En définitive, et même s'il faut tenir compte des retards engendrés par la crise sanitaire, un an après l'incendie, l'enquête de santé commencera à peine et les pouvoirs publics ne seront pas en mesure d'apporter aux habitants des éléments précis sur les conséquences sanitaires à long terme de l'accident. C'est pourquoi, au-delà des évolutions d'organisation mentionnées dans le rapport, nous demandons la création de deux registres de morbidité, l'un relatif aux cancers généraux, l'autre aux malformations congénitales.

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