Cette question importante a trouvé son illustration dans la crise du Covid-19, montrant les besoins de masques, à l'échelle nationale, pour le grand public.
Les stocks de masques stratégiques, chirurgicaux, concernaient la population générale, selon les doctrines établies dès les années 2000 pour préparer une éventuelle pandémie.
L'avis de Santé publique France, rendu en mai 2019 - alors que je l'avais sollicitée en 2016 - revenait sur l'idée qu'il y avait besoin, pour potentiellement 30 % de la population atteinte - ce qui est assez bien calibré pour la crise actuelle - de 20 millions de boîtes de 50 masques, soit 1 milliard de masques.
Lorsque j'étais DGS, le stock a été maintenu - avec un peu de retard - à 714 millions de masques, se répartissant en 616 millions de masques sans date de péremption et 100 millions de masques avec une date de péremption. Entre 2005 et 2006, lors de la mise en place du stock, les industriels ont estimé qu'il était compliqué d'avoir des masques sans date de péremption. Auparavant, cette logique concernait uniquement les masques FFP2. Nous avons donc commandé 100 millions de masques - dont 2 millions ont été sortis pour la grippe et d'autres événements sanitaires. La qualité des 616 millions de masques n'était cependant pas certaine. Depuis les années 2000 jusqu'à la doctrine établie en mai 2019, nous avons donc toujours conservé la ligne d'horizon d'un stock de 1 milliard de masques chirurgicaux pour le grand public.
Les masques récupérés de cette période, utilisables par le grand public, mais déclassés, ont été évalués de nouveau par la direction générale de l'armement et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) : celles-ci ont vérifié que leur coefficient de filtration était correct, voire intégral, et qu'ils n'avaient pas été contaminés pendant leur stockage.
Les masques FFP2 obéissent à une logique différente : selon les doctrines de Santé publique France et le SGDSN, ils sont périmables et non utilisables au bout de cinq ans de stockage. Il semblait déraisonnable de ne pas utiliser ces masques et de les détruire au fur et à mesure. La doctrine a donc évolué, et il a été décidé de stocker ces masques de travail - et non considérés comme des dispositifs médicaux, paradoxalement - au plus proche des travailleurs. Les stocks ont été constitués par ministère et par entreprise. Les ARS étaient chargées de vérifier les stocks. La constitution de ces stocks et leur vérification effective mériterait une étude approfondie. C'est parce que ces masques FFP2 avaient donc une destination différente et une date de péremption que le SGDSN a refondé sa doctrine. L'horizon des stocks est donc toujours bien resté de 1 milliard de masques.
La pandémie de Covid-19 a montré que l'usage du masque est approprié pour protéger les personnes d'une contamination virale et les autres d'une personne porteuse. Comme nous l'avons vu dans la commission Castex, la définition des cas contacts exclut la situation où deux personnes distantes de moins d'un mètre portent un masque. Dans les pays avec une culture du masque, comme en Asie, le niveau de transmission a été divisé par deux en période de pandémie de Covid.