Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quoi de plus important, quoi de plus essentiel que la jeunesse et son avenir ?
Débattre de la jeunesse, ainsi que des nouvelles politiques que nous devons mettre en œuvre à l’endroit de cette dernière, renvoie tant à la nécessaire solidarité intergénérationnelle et sociale qu’à une impérieuse nécessité, qui conditionnera notre futur immédiat et, plus encore, notre avenir à moyen et long termes.
Je partirai d’un postulat, sans lequel il me semble impossible de débattre et de construire de nouvelles politiques pour la jeunesse ; il s’agit d’affirmer et, surtout, d’inscrire dans les faits que, comme Jean Jaurès le disait au sujet de la nature humaine, nous devons faire un large crédit à notre jeunesse.
Faire confiance à la jeunesse et la soutenir, cela relève de l’urgence, car, si les jeunes sont heureusement les moins touchés par la pandémie, ils sont malheureusement en première ligne de la crise économique et sociale dont nous redoutons l’ampleur.
Si nous avons voulu ce débat sur le thème : « Quelles nouvelles politiques publiques à destination de la jeunesse ? », c’est que nous estimons que la situation sociale n’a pas été suffisamment prise en compte par le Gouvernement, alors qu’il faut anticiper et aider les plus fragiles à traverser la crise.
L’augmentation du chômage nécessite des mesures fortes pour empêcher de nombreux jeunes de basculer dans la précarité. La crise sanitaire que nous traversons se double en effet d’une crise économique et sociale, dont nous ne pouvons que redouter les effets dévastateurs. Il faut faire, là aussi, jouer la solidarité nationale.
Le plan de sortie du confinement doit s’accompagner de mesures d’urgence renforcées pour éviter qu’une crise sociale durable ne s’installe ; il faut ainsi compléter la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 d’un titre dédié aux mesures d’urgence sociale pour les jeunes. Cette urgence sociale a été relayée, depuis des semaines, par les acteurs de la solidarité, mais également par les associations d’élus.
Nous estimons que l’État, garant de la solidarité nationale et de la justice sociale, doit intervenir et mettre en œuvre des politiques publiques ancrées dans le quotidien des jeunes.
Quel sens, quelle valeur donner à ces politiques publiques qui se définissent avant tout comme la réduction des écarts, c’est-à-dire l’attention aux plus fragiles, aux plus déshérités pour lutter contre les inégalités sociales et spatiales ? Quelle place accorde-t-on, dans notre politique d’emploi et de logement et dans notre système de protection sociale, à notre jeunesse, qui est particulièrement exposée aux conséquences de la crise sanitaire ?
En effet, les jeunes de 18 à 25 ans, qui constituent 30 % des salariés des entreprises durement touchées par le confinement – restaurants, commerces et centres de loisirs –, ont été privés de revenus, alors que 670 000 étudiants en dépendent pour leurs besoins les plus essentiels – alimentation, logement, habillement – et que 20 % des jeunes vivent sous le seuil de pauvreté.
Quelque 30 % des 18-22 ans pensent ne pas trouver de job cet été et 15 % d’entre eux ont vu leur stage être annulé, sans solution de rechange. Nombreux seront ceux qui ne pourront pas financer leurs études ou payer leur loyer…
Comment donner confiance à cette jeunesse, alors que le logement leur devient inaccessible et que le Gouvernement annonce une récession de 11 % ? Mes collègues Corinne Féret, Claudine Lepage et Viviane Artigalas reviendront sur plusieurs points, notamment sur la question de l’autonomie financière des jeunes – allocation d’autonomie, revenu de base –, sur le rôle des missions locales, sur le service civique, sur l’aide spécifique aux étudiants, sur la garantie jeunes et sur l’alternance.
Si aucune mesure n’est prise, les diplômés de 2020 et des années à venir constitueront la génération sacrifiée à la crise, comme l’indiquent les conclusions du groupe de travail du Sénat sur les conséquences de l’épidémie de Covid-19 dans le secteur de l’enseignement supérieur, groupe auquel participait notre collègue Sylvie Robert.
Par ailleurs, au cours de cette crise, les inégalités accrues de revenu et l’instabilité économique ont encore compliqué l’accès au logement. Ainsi, non seulement le maintien des aides au logement est indispensable, mais il ne suffira pas ; il faut aller plus loin et prévoir une période temporaire pour de nouvelles mesures d’aide, qui permettront aux plus fragiles de surmonter leurs difficultés.
Bien sûr, il faut aussi revenir, monsieur le ministre, sur la politique actuelle du logement – sous-indexation, après le gel du barème, de l’aide personnalisée au logement, mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS) –, mais il faut surtout renoncer à la réforme, prévue en 2020 et déjà reportée quatre fois, de l’APL, qui fera perdre l’allocation à 600 000 personnes, dont près de 300 000 jeunes.
Est-il raisonnable de continuer dans cette voie, alors que les jeunes sont particulièrement visés par ce dispositif ? Ce sera insupportable. Annulez cette réforme ; vous l’avez déjà reportée quatre fois, encore un petit effort…