Intervention de Annie Guillemot

Réunion du 3 juin 2020 à 15h00
Quelles nouvelles politiques publiques à destination de la jeunesse dans la prise en charge des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire — Débat organisé à la demande du groupe socialiste et républicain

Photo de Annie GuillemotAnnie Guillemot :

Si cette précarisation frappe durement les jeunes en général, elle frappe encore plus durement les jeunes de nos quartiers. Avant la crise, le taux de chômage s’y élevait à 13 %, soit à 5 points de plus de la moyenne nationale ; pour les moins de 25 ans de ces quartiers, il atteint 40 %.

Si la crise de 2008, qui a affecté la finance et les services, a eu un impact sur la jeunesse, l’effet est, cette fois, plus concentré sur les moins qualifiés, sur les bas salaires et sur les plus jeunes, autant de facteurs qui conditionnent la bascule dans la pauvreté, comme en ont témoigné les files d’attente de la faim.

Face à l’urgence de la situation, il nous faut répondre, tout de suite, avant le mois de septembre. C’est un discours positif et volontaire qu’il faut tenir à la jeunesse. La richesse de la jeunesse, nous devons la reconnaître et la valoriser ; d’ailleurs, nombre de jeunes ont travaillé pour les autres pendant cette crise.

Au regard de la réalité sociale et économique, le pourcentage de jeunes en insertion devrait être quatre, voire cinq fois plus élevé. Mme Muriel Pénicaud nous l’indiquait la semaine dernière, seuls 16 % des jeunes des quartiers ont des emplois aidés. C’est ainsi que nous donnerons corps au principe d’équité, sans lequel nulle justice ne peut être vécue ni même perçue.

J’ai déjà évoqué la réactivation des contrats aidés, qui peut constituer un levier de soutien fort et rapidement mobilisable : des jeunes apportant leur savoir et leurs compétences à nos communes et à nos associations, et trouvant, par ce biais, une première insertion dans l’emploi, encadrés par des adultes.

Je vous renvoie aux préconisations du 20 mai dernier, relatives au secteur associatif et à l’éducation populaire, du groupe de travail piloté par notre collègue Jacques-Bernard Magner sur les conséquences de l’épidémie de Covid-19 sur les politiques publiques en faveur de la jeunesse et de la vie associative.

En 2017, il y avait près de 500 000 contrats aidés ; en 2019, il n’y en avait plus que 130 000. Oui, leur remise en cause drastique et brutale a signifié non seulement le retour à la précarité pour nombre de jeunes, mais encore la fragilisation du monde associatif.

Avant la crise, le taux de chômage dans nos quartiers représentait plus du double de celui de la population globale et pouvait atteindre 45 % pour les jeunes de 16 à 25 ans sans diplôme. Cette crise exacerbe les fractures et les inégalités, et l’insatisfaction de besoins parfois vitaux – alimentation, logement, emploi, numérique – s’est révélée au grand jour. Or des milliers de jeunes pourraient apporter leur savoir et leurs compétences pour lutter contre cette fracture numérique.

Ils pourraient ainsi financer leurs études en ayant un emploi aidé, car ils ne pourront pas payer leurs études en septembre, tout en aidant les décrocheurs : aujourd’hui, dans les quartiers, seul un enfant sur dix est encore scolarisé, donc neuf sur dix ne le sont plus. Nous pourrions également mobiliser les étudiants, et ce serait, là encore, gagnant-gagnant.

Monsieur le secrétaire d’État, au regard des besoins existants dans les écoles et les collèges des quartiers, et considérant la nécessité de donner un avenir aux jeunes de ces quartiers, le Gouvernement compte-t-il réactiver les contrats aidés et revenir sur le jugement péremptoire consistant à estimer qu’ils sont trop coûteux et peu utiles ? Reportons-nous au bilan des emplois d’avenir : 300 000 jeunes en avaient bénéficié, parmi lesquels un sur cinq, soit 60 000, venait d’un quartier populaire.

Je ne vous en demande pas tant, mais lancez un plan de contrats aidés dans les quartiers pour 20 000 jeunes. Cela aiderait la jeunesse, mais aussi nos enfants et les associations. Il s’agit là d’un véritable défi éducatif et démocratique. Il y a une urgence, une urgence économique et sociale pour les jeunes ; de la jeunesse dépend notre avenir collectif.

J’ai été maire pendant dix-sept ans et je me disais souvent qu’il fallait trouver avant tout un logement et un emploi aux gens, deux conditions indispensables pour vivre, pour pourvoir à l’éducation des enfants et pour préserver la santé. J’ai vite compris que non seulement il fallait de l’énergie – c’est très difficile pour les jeunes –, mais aussi que c’était un combat quotidien.

Deux autres choses sont essentielles. D’une part, il faut le respect ; on le voit aujourd’hui, il faut lutter contre les discriminations, d’où qu’elles viennent, sinon on ne peut pas construire ; chacun a droit au respect, des droits et des devoirs de chacun. D’autre part, il faut l’espoir, l’espoir d’un avenir meilleur ou plus serein, qui permettra de s’émanciper grâce à la culture et à l’éducation. Celles-ci – ne l’oubliez pas, monsieur le secrétaire d’État – nous invitent à la tolérance et à la rencontre d’autres imaginaires.

Dans la situation que nous vivons, qui a révélé, si besoin en était encore, la profondeur des inégalités sociales et spatiales et la fragilité des jeunes, la priorité est, pour le groupe socialiste et républicain du Sénat, d’aider les plus fragiles, donc les jeunes, à traverser la crise.

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