Intervention de Gabriel Attal

Réunion du 3 juin 2020 à 15h00
Quelles nouvelles politiques publiques à destination de la jeunesse dans la prise en charge des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire — Débat organisé à la demande du groupe socialiste et républicain

Gabriel Attal :

Madame la sénatrice Guillemot, je veux tout d’abord vous remercier, ainsi que le groupe socialiste et républicain, d’avoir mis ce sujet à l’ordre du jour de la Haute Assemblée, parce que c’est un sujet absolument essentiel, qui va beaucoup nous mobiliser dans les mois à venir.

En effet, vous l’avez dit, chaque fois que survient une crise économique – cela a été vérifié en 2008 et en 1993 –, les premiers touchés et ceux qui le sont les plus durement sont les plus vulnérables et, parmi eux, il y a les jeunes, quel que soit, d’ailleurs, leur niveau de qualification. Les jeunes sont vulnérables parce qu’ils rentrent sur le marché du travail, qu’ils sont dans un moment de transition.

Deux chiffres résument, à eux seuls, l’importance du débat que vous nous proposez aujourd’hui : 550 000 jeunes de moins de 25 ans sont actuellement au chômage et 700 000 jeunes doivent arriver sur le marché du travail à la rentrée prochaine. Pour eux, ainsi que pour ceux qui sont encore en formation – en apprentissage ou dans l’enseignement supérieur –, nous devons trouver des solutions pour lutter contre la précarité, qui pourrait s’accroître si rien n’était fait dans les semaines et les mois à venir.

Fort heureusement, les solutions ne dépendent pas que de nous, et je veux vous également remercier des mots très positifs que vous avez eus, parce qu’on les entend trop peu. Il faut le rappeler, le premier atout de la jeunesse, ce sont les jeunes eux-mêmes. Nous avons, en France, une jeunesse créative, volontaire, qui a envie de s’insérer, de s’autonomiser et de se construire.

Elle est également engagée, et je veux, comme vous, rendre hommage à leur dynamisme, à leur civisme et à leur sens indéniable de l’engagement collectif. Loin des idées reçues, nous pouvons être fiers de cette génération qui, pendant la crise sanitaire, a su mobiliser une formidable énergie.

Parmi les 300 000 personnes qui se sont spontanément portées volontaires au travers de la plateforme de la réserve civique, 40 % avaient moins de 30 ans ; 58 000 jeunes en service civique ont transformé leur mission pour contribuer à l’effort national contre la pandémie, et l’on ne compte pas les jeunes qui se sont engagés bénévolement, dans leur quartier, au pied de leur immeuble, pour subvenir aux besoins vitaux des personnes dans le besoin.

Après cette crise, nous devrons faire prospérer cet élan ; c’est en prenant appui sur l’énergie créatrice des jeunes que nous parviendrons à dominer cette crise sanitaire. Pendant celle-ci, nos réponses à destination des jeunes étaient d’ordre social et constituaient des mesures d’urgence ; nous devons maintenant penser à moyen et long termes, pour compléter l’action sociale par une action économique durable et par un investissement renouvelé dans la formation et dans les compétences.

Permettez-moi maintenant de vous présenter cette stratégie plus en détail et de vous indiquer dans le cap que nous tenons, tout d’abord au travers des mesures que nous avons prises au plus fort de la crise sanitaire et durant le confinement et, ensuite, en évoquant nos pistes de travail pour les mois à venir.

Pendant la crise sanitaire, le Gouvernement a répondu, vous le savez, avec une force sans précédent aux drames économiques et sociaux. Notre action pour tous les Français a directement bénéficié aux jeunes ; quand on prend des mesures de soutien à l’activité économique, à l’emploi et aux entreprises, on prend indirectement des mesures de soutien aux jeunes, et l’ensemble des dispositifs que nous avons pris permet de limiter les dégâts sur le monde économique et donc sur l’emploi des jeunes.

Je veux également mentionner les règles régissant le chômage et l’activité partiels, règles qui ont été assouplies pour protéger les demandeurs d’emploi en fin de droits, les intérimaires et les travailleurs saisonniers en faisant perdurer leurs droits au-delà du confinement.

Je pense aussi aux jeunes parents, obligés de garder leurs enfants, qui ont bénéficié d’un système exceptionnel d’indemnités journalières.

Je veux également citer les mesures de solidarité avec les personnes précaires et l’aide de 150 euros qui a été versée à 4 millions de familles pauvres ou modestes, à laquelle s’est ajouté un montant de 100 euros supplémentaires par enfant. Cela représente un effort global de 900 millions d’euros, largement fléché vers les enfants et vers les jeunes.

Nous avons également agi directement et spécifiquement en direction de la jeunesse. La principale mesure a consisté en une mobilisation de 150 millions d’euros, sous la forme d’une aide exceptionnelle de 200 euros pour 800 000 jeunes, destinée à compenser la perte de revenu liée à l’arrêt temporaire d’un stage, d’un apprentissage ou d’un job étudiant. Cette prime sera versée dans le courant de la semaine aux jeunes étudiants et autour du 15 juin aux autres.

Je pense également à d’autres mesures d’urgence prises pour répondre à des situations de fragilité particulière.

Les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) ont pris la décision de n’exiger aucun préavis des étudiants qui ont décidé de mettre fin à leur bail en résidence étudiante, afin de leur éviter un surcoût inutile. Nous avons prolongé les dispositifs de l’aide sociale à l’enfance (ASE) pour les enfants atteignant leur majorité pendant la période de la crise de la Covid-19, car le contexte incertain risquait de déstabiliser dramatiquement les jeunes sortant de ce dispositif.

Pour éviter que trop de jeunes ne décrochent de leur scolarité, nous avons lancé une opération, soutenue par les associations du collectif Mentorat, d’équipement d’urgence en matériel informatique et en connexion internet, pour un montant de 15 millions d’euros.

Il faut maintenant penser à l’après-crise, vous l’avez dit. À ce titre, quatre grands axes de travail, sur lesquels je reviendrai à l’occasion des questions, nous mobilisent.

Tout d’abord, il faut lutter contre le décrochage scolaire, notamment dans la voie professionnelle, parce qu’aucun jeune ne doit être désœuvré ni se sentir laissé pour compte.

Ensuite, nous devons maintenir la dynamique engagée par notre gouvernement sur la formation et sur l’apprentissage ; forts de de nos réussites, et parce que le contexte nous y incite, nous devons aller plus vite et plus fort.

En outre, il est nécessaire de faciliter l’accès à l’embauche ; le marché du travail risque de se durcir, nous devons aider les entreprises à embaucher des jeunes et aider les jeunes à accéder à l’emploi.

Enfin, il convient d’agir pour lutter contre la précarité des jeunes face au risque de rupture que vous avez évoqué. Notre plan prendra appui sur la politique pour la jeunesse que nous menons depuis 2017. Cette politique donne aux jeunes de meilleures armes pour aborder un marché du travail devenu plus défavorable.

Je veux à cet égard revenir sur le plan d’investissement dans les compétences. Nous avons mobilisé 15 milliards d’euros pour la formation de 1 million de jeunes et de personnes peu qualifiées. Nous avons développé des solutions multiples de la deuxième chance et de lutte contre le décrochage scolaire, notamment pour les jeunes vivant en outre-mer, afin qu’aucun jeune ne soit laissé sans solution.

Tous les jeunes sans emploi de 16 à 18 ans auront désormais une obligation de formation, ce qui implique aussi, pour l’État, l’obligation de leur proposer une solution à partir de la rentrée prochaine ; cela a été adopté au travers de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, promue par Jean-Michel Blanquer.

Grâce à la réforme de la formation professionnelle et de l’alternance, nous avons réussi à provoquer un essor sans précédent de l’apprentissage, avec une augmentation de 16 % en 2019 du nombre d’apprentis, qui a atteint près de 400 000. Cette dynamique doit absolument perdurer, et nous aurons besoin de la mobilisation de toutes les entreprises, au cours des mois qui viennent.

Nous allons déployer un plan spécifique pour aborder la rentrée ; il sera présenté avant l’été. J’ai entendu vos inquiétudes en ce qui concerne l’idée d’attendre le mois de septembre ; vous avez raison, il faut aller vite. Par exemple, pour l’apprentissage, des mesures seront annoncées dès demain, à l’issue d’une rencontre avec les partenaires sociaux. Nous allons évidemment continuer d’avancer sur les autres chantiers et les mesures seront présentées avant l’été.

Voilà pour les grands objectifs, sur lesquels nous reviendrons à l’occasion de cette séance de questions.

Enfin, j’ai entendu votre interrogation principale sur les emplois aidés et les emplois-jeunes.

J’assume les mesures prises sur les emplois aidés. Il y a eu de très belles histoires et de très beaux exemples de jeunes qui ont, grâce à un emploi aidé, réussi à trouver leur voie et à s’insérer, mais ce n’était pas la majorité des cas. Nous devons construire des solutions aidant à la fois le jeune recherchant une insertion durable dans l’emploi et la structure qui le reçoit ; c’est ce que nous avons commencé à faire avec les parcours emploi compétences et c’est ce que nous avons continué de développer avec les emplois francs, en ciblant précisément les quartiers.

Je suis ouvert à toutes les propositions. Je réfléchis en ce moment à des dispositifs de soutien à l’emploi associatif, en lien avec le volet associatif de mes responsabilités, mais cela pourrait tout à fait se croiser avec la préoccupation de l’emploi des jeunes. Il y a là des ponts intéressants à construire dans les semaines à venir ; en tout cas, j’y suis tout à fait disposé.

Je suis sûr que surgiront de nos débats des idées fructueuses pour les mois à venir.

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