Intervention de Françoise Gatel

Réunion du 2 juin 2020 à 14h30
Procurations électorales — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise sanitaire a brutalement et étrangement interrompu le cycle des élections municipales, suspendant le temps, mais aussi la tenue du second tour et prolongeant le mandat des maires sortants.

Si cette situation incongrue a été parfois compliquée dans certaines communes, elle a montré une fois de plus, et d’une manière très forte, la solidité et le sens de la responsabilité des élus locaux. Les maires ont fait face avec détermination, courage et efficacité. Aujourd’hui encore, ils relèvent le défi de la réouverture des écoles.

Pour paraphraser votre propos, monsieur le secrétaire d’État, eux aussi soulèvent les difficultés, mais ils les surmontent, car ils y sont contraints. Ils font même parfois l’impossible, en tout cas pour l’école.

Comme ceux qui soignent, protègent et nous nourrissent, les maires ont vraiment fait partie pendant cette crise sanitaire des « essentiels », ceux qui permettent à la France de tenir en cas de gros temps.

La décision d’organiser le second tour des élections municipales le 28 juin prochain est sans doute pertinente, malgré des conditions de campagne difficiles, car la France doit revenir à la vie très rapidement.

Pour cela, la gouvernance des collectivités doit être stabilisée, sécurisée, car d’autres coups de tonnerre nous attendent. En outre, les collectivités sont les acteurs indispensables de la relance économique. Mais la démocratie doit tout autant être renforcée.

En ce sens, la proposition de loi de Cédric Perrin est tout à fait judicieuse, car, en période d’urgence, nous avons la responsabilité collective de relever deux défis : le risque sanitaire et l’expression démocratique. Telle était également le sens de la pertinente proposition de loi de MM. Bas, Retailleau et Marseille.

Le premier défi est sanitaire. Le danger de reprise de l’épidémie existe. Aussi, protéger nos concitoyens électeurs, mais également ceux qui organisent les opérations de vote, s’impose naturellement.

Nous adhérons donc totalement à la proposition de mise à disposition d’équipements de protection pour ces deux catégories de personnes, dans les 4 857 communes de France concernées par le second tour. Les collectivités ont dû et ont su pallier l’insuffisance des protections sanitaires, mais on ne peut aujourd’hui exiger d’elles qu’elles assument ce coût supplémentaire, qui relève de la vie démocratique. Il appartient donc à l’État de le financer.

Le second défi, qui n’est pas le moindre, est démocratique. L’élection municipale est en général un scrutin au taux de participation significatif.

Or, au mois de mars dernier, l’abstention a atteint plus de 52 % des inscrits, soit une hausse de près de 19 points par rapport à 2014. Nous devons aujourd’hui permettre au maximum des 16, 5 millions d’électeurs appelés aux urnes le 28 juin prochain d’exercer ce droit sacré qu’est le droit de vote. Les rassurer sur le risque sanitaire est indispensable, mais notre devoir est aussi de faciliter l’exercice de ce droit pendant l’état d’urgence sanitaire, par l’assouplissement exceptionnel du dispositif de procuration.

Monsieur le secrétaire d’État, Sénèque disait : « La vie, ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre à danser sous la pluie. » C’est comme cela que vous nous avez expliqué de manière pertinente qu’il fallait prendre des mesures particulières et exceptionnelles pour gérer la crise avec efficacité, et le Sénat a assumé sa responsabilité.

Il doit en être encore ainsi aujourd’hui, par l’adoption de mesures exceptionnelles dans un temps limité. En ce sens, le vote par correspondance participe de la volonté de faciliter l’expression démocratique.

Monsieur le secrétaire d’État, si les circulaires et les ordonnances avaient jamais séduit les électeurs, cela se saurait ! Quand des temps plus sereins seront revenus, il conviendra de réfléchir de manière plus large et plus approfondie à tous les dispositifs qui favorisent le vote et à leur sécurité. Si nous partageons la volonté d’encourager l’expression démocratique par le vote, il vous appartient d’être offensif quant à la mobilisation effective des autorités compétentes pour établir les procurations, afin d’en faciliter la réalisation et d’en augmenter le nombre.

Dans ces circonstances, il me semble que nous avons oublié un acteur, à savoir la belle endormie qu’est La Poste. Dans ce magnifique pays dont on dit qu’il doit se déconfiner, La Poste a sans doute raté cette nouvelle, parce qu’elle fonctionne très au ralenti ! Dans mon département d’Ille-et-Vilaine, elle déclare qu’elle reviendra à la normale au mois de septembre prochain… Il faut lui rappeler que des élections auront lieu le 28 juin prochain !

Monsieur le secrétaire d’État, depuis le début de la crise, le Sénat n’a jamais failli à sa responsabilité, mes collègues l’ont rappelé : il a donné au Gouvernement des moyens exceptionnels, se délestant parfois même de certaines de ses prérogatives de législateur.

Quand le pays est en danger, les clivages doivent s’effacer pour faire face ensemble. Vous nous l’avez dit, nous l’avons fait, et c’est si vrai, monsieur le secrétaire d’État, que c’est aujourd’hui à votre tour de faire preuve du même sens des responsabilités, en permettant la prospérité rapide de cette proposition de loi en intelligence et en coopération avec le Sénat.

La démocratie ne peut souffrir lenteur ou indifférence, a fortiori en état d’urgence, car, après l’heure, ce n’est plus l’heure !

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