Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 2 juin 2020 à 14h30
Procurations électorales — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au début du mois de mai dernier, dans un avis politique sur la préservation de l’État de droit dans le contexte du Covid-19, la commission des affaires européennes du Sénat affirmait qu’elle considérait que les autorités nationales devraient s’abstenir de procéder à des modifications de la législation électorale pendant la pandémie.

Finalement, elle ne faisait que rappeler la tradition républicaine de ne pas changer le droit électoral dans l’année précédant un scrutin, tradition consacrée dans la loi du 2 décembre 2019, sur l’initiative d’Alain Richard.

Bien entendu, ce que la loi peut faire, elle peut aussi le défaire. En outre, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont le rôle en matière de contrôle et de supervision électorale est reconnu, considère que la stabilité du droit électoral est une condition de la bonne information des électeurs et du bon fonctionnement de l’administration, ces deux éléments étant des préalables indispensables à la sincérité d’un scrutin.

Aussi, faisons preuve de prudence, cette dernière étant d’autant plus nécessaire que la loi du 23 mars 2020, qui ne prévoit pas plus de trois mois entre les deux tours de scrutin de la même élection, pose des questions inédites en matière d’égalité et de sincérité du scrutin ; c’est d’ailleurs pourquoi, le 26 mai dernier, le Conseil d’État a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité sur l’ensemble de l’article 19 de cette loi.

Pour ces raisons, il n’est probablement pas raisonnable de procéder aujourd’hui, entre les deux tours d’un même scrutin, à des modifications du code électoral, même si celles-ci répondent à une préoccupation réelle.

Je reprends bien entendu à mon compte les observations sur un second tour de scrutin où il sera possible de voter, mais pas vraiment de faire campagne, en tout cas de manière traditionnelle ; il n’est qu’à lire le rapport du conseil scientifique ou qu’à entendre les craintes de nombre de nos compatriotes sur les risques sanitaires pris par les électeurs, mais aussi, et peut-être surtout, par tous ceux qui tiendront les bureaux de vote. L’abstention que cela pourrait provoquer est problématique.

Je comprends donc la démarche de plusieurs de nos collègues. Mais compte tenu des principes affirmés précédemment, modifier des règles en cours de route ne serait probablement pas convenable, surtout s’il s’agissait de mettre en œuvre un dispositif de vote par correspondance qui n’est plus utilisé depuis longtemps, qui ne participe plus de notre tradition républicaine et qui, lorsque nous l’utilisions, fut vecteur de nombreuses contestations, qui ont conduit à l’abandonner.

Enfin, alors qu’il est probable que cette proposition de loi ne puisse être adoptée avant le scrutin du 28 juin prochain, je crains qu’elle ne participe à brouiller la compréhension de ce scrutin et de ses règles par nos concitoyens, au lieu d’apporter une réponse réelle à l’enjeu majeur et essentiel de la participation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion