Intervention de Édouard Durand

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 20 mai 2020 : 1ère réunion
Audition de Mme Ernestine Ronai responsable de l'observatoire des violences envers les femmes de seine-saint-denis et de M. édouard duRand juge des enfants au tgi de bobigny co-présidents de la commission « violences de genre » du haut conseil à l'égalité

Édouard Durand, juge des enfants au TGI de Bobigny, co-président de la commission Violences de genre du Haut Conseil à l'égalité :

Vous avez raison, Mme Cohen, ce confinement a été un choc pour les adultes comme pour les enfants. Je disais dans mon introduction qu'il était encore un peu tôt pour analyser les tendances. Selon certaines sources, il semble qu'il y ait eu des enfants suivis en pédopsychiatrie qui allaient bien ; le confinement pourrait avoir eu pour eux une dimension sécurisante. Nous avons aussi des publications qui montrent que les enfants pour lesquels il y a eu, du fait du confinement, une interruption des rencontres avec un parent violent, allaient mieux. Il faut prendre en compte cette information.

Les propos que vous avez tenus sur la résidence alternée, Mme Prunaud, rejoignent ceux de Mme Cohen sur la question des savoirs. Vous avez évoqué la psychanalyse et la psychologie, on peut parler de la pédopsychiatrie, de la clinique de l'attachement, et voir en quoi le savoir nous contraint.

Les connaissances sur le développement de l'enfant et sur la violence vous limitent dans ce que vous pouvez faire comme législateur, tout comme elles me limitent dans ce que je peux faire comme juge, parce que je ne peux pas m'affranchir de ces connaissances. S'agissant de la résidence alternée, on peut toujours partir des besoins fondamentaux des enfants. On a identifié, dans cette démarche de consensus sur les besoins fondamentaux des enfants en protection de l'enfance, plusieurs types de besoins : les besoins universels de tous les enfants, partout dans le monde, les besoins particuliers, par exemple pour les enfants porteurs d'un handicap, et les besoins spécifiques, pour les enfants victimes de violences, qui ont besoin de réponses spécialisées et de soins en psychotrauma.

Dans les besoins universels des enfants, nous avons identifié plusieurs formes de besoins qui viennent, assez intuitivement, à l'esprit : les besoins physiologiques et de santé ; les besoins d'estime de soi ; les besoins d'exploration ; les besoins de limites ; les besoins d'être inscrit dans une communauté familiale ou amicale. Mais il y a un besoin qui conditionne la satisfaction de tous les besoins fondamentaux des enfants, c'est le besoin de sécurité. Il permet de comprendre en quoi la violence et les violences conjugales sont une transgression très grave de l'autorité parentale et nuisent au besoin de sécurité de l'enfant.

Ce besoin consiste non seulement à ne pas être confronté à la violence, mais aussi à avoir une continuité relationnelle avec une figure sécurisante. La figure d'attachement prioritaire pour les humains, le plus souvent, c'est leur mère. Nous avons tous eu ce besoin dans les premières années de notre existence et les enfants ont tous besoin de continuité relationnelle avec leur figure d'attachement prioritaire.

Lors de certaines de mes interventions à l'École de la magistrature, j'étais accompagné d'un pédopsychiatre. Certains de mes collègues parlaient de situations où de tout petits enfants étaient en résidence alternée. La réponse du pédopsychiatre était : « De mon point de vue, c'est de la folie ». Nous devons réduire cet écard trop grand entre l'état des connaissances et ce terrain vague que risque de devenir le droit de la famille.

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