Intervention de Ernestine Ronai

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 20 mai 2020 : 1ère réunion
Audition de Mme Ernestine Ronai responsable de l'observatoire des violences envers les femmes de seine-saint-denis et de M. édouard duRand juge des enfants au tgi de bobigny co-présidents de la commission « violences de genre » du haut conseil à l'égalité

Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, co-présidente de la commission Violences de genre du Haut Conseil à l'égalité :

Je partage entièrement les propos d'Édouard Durand. Dans la période actuelle, et sans doute dans l'avenir, si l'on veut mieux protéger les enfants, on a absolument besoin de personnes ressource auxquels les enfants vont pouvoir révéler les violences qu'ils ont subies : infirmières scolaires, médecins scolaires, psychologues scolaires. Il faudra former ces personnels lorsqu'ils existeront, mais nous en sommes malheureusement assez loin.

Il faut absolument intégrer, dans la formation initiale des enseignants ce sujet des violences faites aux femmes. Vous avez inscrit dans la loi en 2010, en 2014, en 2016 et en 2018, la nécessité d'une information des élèves dans le cadre scolaire. Nous sommes en 2020 et cet enseignement n'est toujours pas généralisé à l'ensemble du territoire national. Ces modifications du code de l'éducation nationale étaient extrêmement importantes, mais on ne peut pas dire aujourd'hui que les séances d'information prévues dans les établissements scolaires soient effectives.

Vous l'avez dit, Mme Jasmin, il n'est pas simple, dans une île, d'évincer un conjoint violent. Il faut absolument, dans les DOM-TOM, des lieux d'éviction pour confiner les hommes violents. Sur une île, il est encore plus important de savoir où se trouvent ces hommes. Il faut donc délivrer des assignations à résidence. Je vous rejoins dans votre proposition de travailler avec les mairies et les CCAS, qui sont des lieux de proximité tout à fait intéressants.

Depuis 2019, le code civil précise que « l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques et psychologiques » : il était important de le rappeler. J'ai entendu ces mots lus par un maire lors d'un mariage ; j'ai trouvé ça très bien et j'ai pensé à vous.

Je partage ce que vous avez dit, M. Courteau, sur les interventions après signalement par les voisins. Vous avez raison, c'est une avancée qu'il faut poursuivre.

Je voudrais également redire combien il est important qu'il y ait des lieux, pour les femmes et les enfants victimes de violences, où les soins somatiques et psychologiques soient pris en charge à 100 %. Nous n'y sommes toujours pas. Dix centres de psychotrauma ont été créés, dont un à la Martinique, mais ce n'est pas suffisant. Il faut créer un lieu avec des personnels formés dans chaque région.

Nous avons en France 48 unités médico-judiciaires pour 105 départements. Il faut peut-être envisager la création d'antennes qui permettent d'accéder à la médecine légale. Il faudrait aussi donner la possibilité aux femmes victimes de violences d'être reçues dans les UMJ sans réquisition, c'est-à-dire sans qu'elles aient porté plainte, et que l'on conserve les éléments de cette plainte. Nous savons qu'il y a eu une inspection des services de la justice sur ce sujet mais les résultats n'en ont pas été publiés ; nous ne savons donc pas ce que contient le rapport. L'une des étudiantes du DU « Violences faites aux femmes » de l'université Paris 8 que nous co-dirigeons Édouard Durand et moi-même, avait rédigé un mémoire sur les UMJ : son enquête portait sur 38 de ces structures. 18 UMJ acceptaient de recevoir les femmes victimes de violences sans qu'il y ait eu dépôt de plainte. Le problème reste toujours la question du financement : aujourd'hui, tant que l'on n'est pas au stade judiciaire, c'est le ministère des solidarités et de la santé qui finance ; dès que la justice intervient, les dépenses lui sont imputées. Je déplore que la France soit aussi lente à étendre l'accès aux UMJ aux femmes victimes de violences qui n'ont pas porté plainte.

Je voudrais terminer sur une précision d'ordre terminologique. Lorsque l'on parle de violences intrafamiliales, on fait disparaître les femmes et les enfants, c'est-à-dire les victimes. Nous nous sommes appliqués à ce qu'il y ait des lois sur les violences faites aux femmes - notamment en 2010, avec la loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. Il ne faut pas revenir en arrière et englober ces violences spécifiques dans le terme générique de « violences intrafamiliales ».

Certains hommes violents ont certainement besoin de soins, notamment dans le cas de conduites addictives. Pour les autres, je rejoins la proposition d'Édouard Durand d'un contrôle social suffisamment fort pour les contenir afin d'éviter toute récidive. Vous avez sans doute eu connaissance du numéro d'appel mis en place pour les hommes violents, Appelez avant de frapper. Je pense pour ma part que si un homme est en capacité d'appeler avant de taper, c'est qu'il n'est pas dans la violence, qui se caractérise par l'intention de faire mal, de dominer et de prendre le pouvoir et le contrôle sur l'autre, mais dans le conflit. Si l'homme peut appeler avant de taper, c'est qu'il n'est pas le conjoint violent dont nous parlons.

La contrainte sociale, par la loi et par la réponse judiciaire, me paraît beaucoup plus importante. Pour moi, la répression fait aussi partie de la prévention.

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