Mes chers collègues, nous accueillons ce matin M. Frémiot, magistrat honoraire, que je remercie pour sa disponibilité. Notre délégation a entendu M. Frémiot le 29 janvier 2015, dans le cadre d'un précédent rapport sur les violences conjugales. M. Frémiot était par ailleurs parmi nous le 10 octobre 2019, lors de la célébration de notre 20e anniversaire : nous avons été très sensibles à sa présence au Sénat en cette journée si importante pour nous.
Pour l'information de M. Frémiot, je précise que les violences sont traditionnellement au coeur de l'agenda de notre délégation. Depuis le début de cette mandature (en novembre 2017), nous avons consacré à ce grave sujet pas moins de cinq rapports, qui ont porté sur des aspects divers de cette problématique (outre-mer, handicap, mutilations sexuelles...).
Dès le début du confinement, notre programme de travail s'est à nouveau centré sur les violences intrafamiliales : ce choix s'est tout naturellement imposé. Nous sommes en effet extrêmement préoccupés par la situation non seulement des femmes, mais aussi des enfants, confinés dans un foyer violent.
Votre expertise, Monsieur Frémiot, est pour nous particulièrement précieuse car nous connaissons votre engagement contre ce fléau, non seulement comme magistrat mais aussi comme auteur. Votre expérience vous a en effet inspiré des essais, comme vos Confidences d'un magistrat qui voulait être libre, mais aussi, plus récemment, des romans. Je n'en dis pas plus et je laisse mes collègues découvrir votre imposante bibliographie !
Lorsque vous étiez procureur à Douai, entre 2003 et 2010, vous avez réussi à faire baisser le taux de récidive en matière de violences conjugales à 6 %. C'est donc que des solutions existent sans qu'il soit systématiquement nécessaire de modifier la loi !
Nous avons besoin de votre expertise pour évaluer les différents outils de lutte contre les violences, compte tenu des orientations définies lors du Grenelle et des mesures adoptées dans le cadre de la crise sanitaire.
S'agissant plus particulièrement du fonctionnement de la chaîne judiciaire, vos alertes ont été pionnières.
Vous avez plaidé, entre autres améliorations possibles, contre la médiation pénale dans le contexte de violences et pour la création d'unités de médecine légale au sein des juridictions. Vous avez qualifié devant nous, en 2015, les mains courantes d'« appels au secours qui restent sans écho » et vous avez déploré que les dépôts de plainte restent souvent sans suite. Vous avez défendu l'idée d'un contrôle judiciaire renforcé, intervenant à la fois sur les auteurs des violences et auprès des victimes. Vous avez regretté l'absence de communication entre le parquet et le JAF.
Vous êtes par ailleurs un ardent partisan de la prise en charge des auteurs de violences, dans une logique de prévention et de protection des victimes. La délégation est très sensibilisée à cette question : en avril dernier, nous avons entendu le président de la FNACAV sur la récente mise en place d'un numéro d'écoute destiné aux auteurs de violences.
Les divers axes de progression que vous préconisiez se retrouvent aujourd'hui dans les conclusions du Grenelle et dans le Rapport de l'Inspection générale de la justice sur les homicides conjugaux, rendu public en octobre 2019.
Nous aimerions avoir votre avis sur diverses évolutions récentes de la chaîne pénale : que pensez-vous par exemple des cours criminelles, dont un avocat estimait récemment dans Le Monde qu'elles préfiguraient la « mort de la cour d'assises »1(*) ? Quel est votre point de vue sur l'expérimentation de filières d'urgence, comme à Créteil, pour accélérer le traitement des dossiers de violences conjugales, et sur la mise en place de 172 procureurs référents spécialisés ?
Selon vous, la justice est-elle en capacité de relever le défi de la lutte contre les violences, a fortiori après la longue période de suspension due au confinement, et avec la perspective d'un nombre de plaintes accru dans les semaines qui viennent ?
Nous vous laissons vous organiser à votre guise pour aborder ces différents sujets, puis nous vous poserons quelques questions.