Intervention de Luc Frémiot

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 28 mai 2020 : 1ère réunion
Audition de M. Luc Frémiot magistrat honoraire ancien procureur de la république de douai

Luc Frémiot, magistrat honoraire, ancien procureur de la République de Douai :

Je suis atterré d'entendre parler de stages de responsabilisation de seulement quelques jours. C'est une question de bon sens et de logique : face à une personne dont le seul moyen de communication au sein de son couple se résume à exercer brimades, pressions, violences psychologiques ou physiques, peut-on sincèrement penser que quelques heures suffiront à favoriser un changement d'état d'esprit ? Cela relève d'une supercherie ! Un stage aussi bref ne sert à rien face à des auteurs pour qui exercer des violences est la manifestation d'une toute puissance doublée d'un sentiment d'impunité. Ces stages permettent juste de « cocher une case » lors de la rédaction du rapport de politique pénale !

Les stages de responsabilisation mis en place à Douai ont été développés en collaboration avec le Dr Coutanceau, sur la base du constat qu'une relation dominant/dominé au sein d'un couple, qui s'est cristallisée au fil du temps, concourt à la naissance et l'exacerbation de violences ; leur analyse nécessite un long travail d'appréciation.

Des protocoles ont été définis avec l'association Le Cheval bleu de Béthune, qui a pris contact avec des professionnels du Québec aux travaux précurseurs. L'objectif était d'étudier les conditions de passage à l'acte et non d'éradiquer la violence. En effet, si nous avons tous en nous une violence latente, du moins pouvons-nous apprendre à la contenir, la gérer, la discipliner, ce que les auteurs ne savent pas faire. Ils doivent donc être éduqués lors de stages au long cours, qui doivent débuter lorsque le parquet décide des poursuites et se poursuivre jusqu'au jugement. À Douai, ces stages se déclinaient sous la forme d'un suivi régulier, à raison d'une séance de trois heures par semaine, les psychiatres et psychologues prenant en charge des groupes de dix personnes, dont huit sous main de justice, que je leur adressais, les deux autres hommes provenant de leur patientèle privée. Il s'agissait d'hommes qui, se sachant violents, avaient décidé de prendre les devants avant qu'un passage à l'acte n'intervienne.

Le jugement du tribunal était ensuite assorti d'un sursis de mise à l'épreuve, suivi par le juge d'application des peines pendant douze à quinze mois.

C'est un travail de longue haleine qui doit surmonter des obstacles davantage organisationnels que financiers. Les financements peuvent en effet provenir de multiples sources - frais de justice ou moyens affectés aux politiques de la ville, en partenariat avec les élus.

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