Intervention de Arnaud Montebourg

Commission des affaires économiques — Réunion du 13 mai 2020 : 1ère réunion
Table ronde sur le thème : « déglobalisation et relocalisation : quelles leçons tirer de la crise ? » autour de mm. patrick artus chef économiste de natixis nicolas bouzou directeur du cabinet de conseil asterès florent menegaux président de michelin et arnaud montebourg ancien ministre et entrepreneur en téléconférence

Arnaud Montebourg, ancien ministre et entrepreneur :

Je répondrai brièvement, car j'ai malheureusement une obligation dans quelques minutes.

La question de la compétitivité est évidemment importante. Ce n'est pas parce que le monde va rétrécir, des productions se régionaliser, que la lutte concurrentielle disparaîtra. Dans la reconstruction écologique, avec le soutien des consommateurs, les arbitrages se feront de plus en plus en faveur d'une production locale. Dans ce cadre, la question de la fiscalité se pose. Il me paraît absurde d'avoir diminué l'impôt sur les sociétés, qui porte sur le revenu de l'entreprise, et maintenu des impôts de production, qui frappent l'entreprise, quels que soient ses revenus. Il faut faire le contraire. Il s'agit de décharger la combinaison productive de l'entreprise, et de la taxer plus fortement quand elle gagne de l'argent.

La TVA est déjà très élevée ; faire payer la protection sociale par les consommateurs est à mon avis une erreur dans la situation actuelle.

On m'a posé la question des coûts de relocalisation. Les Français sont-ils prêts à payer plus cher ? Oui, ils sont prêts à acheter des voitures allemandes plus chères ! La question réside non pas tant dans le coût que dans le choix du bon modèle économique.

Nous sommes dans une économie où la recherche de rentabilité est excessive. Les fonds d'investissement visent 15 à 20 % de rentabilité, alors que l'histoire du capitalisme nous enseigne qu'elle ne dépasse jamais 5 %. Nous pourrions imaginer une économie alternative de la modération, où les investissements ne rapportent pas plus de 5%, où la valeur est partagée différemment avec les salariés, les fournisseurs locaux... Nous pouvons construire des modèles économiques différents, où une part de la robotisation et une part de la prise en charge du modèle social et environnemental peuvent trouver leur place.

Cela dépend aussi des secteurs. La politique fait trop de macroéconomie et pas assez de microéconomie. Nous reconstruirons la France, secteur par secteur, produit par produit. Les Italiens ont 250 produits leaders mondiaux. Leur économie est résiliente, malgré leurs difficultés macroéconomiques. C'est le fruit d'années d'investissements immatériels, humains, économiques, financiers, entrepreneuriaux, mécaniques. C'est un travail sur le long terme, qui renvoie à l'évocation de l'État stratège. J'ai repris le document intitulé Nouvelle France industrielle : 34 plans de reconquête, présenté en 2013. C'était de la planification concrète, avec une forte anticipation écologique.

La question de la hausse des coûts de production n'est pas garantie. Il est possible d'être très compétitifs en France, il suffit de trouver du financement, des entrepreneurs et des marchés. Nous avons toutes les compétences en France, il faut juste qu'un ministère de l'industrie s'en occupe.

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