Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 11 juin 2020 à 10h40
Troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Audition de Mm. Bruno Le maire ministre de l'économie et des finances et olivier dussopt secrétaire d'état auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

Je vous remercie de venir devant notre commission ce matin. Jusqu'à présent, nous pouvions nous féliciter de la réactivité du Gouvernement dans cette crise : le premier PLFR était insuffisant, mais il a été corrigé par le deuxième PLFR qui a levé les difficultés qui existaient sur le chômage partiel, le fonds de solidarité ainsi que les prêts garantis par l'État. Le Sénat a pris sa part dans ce travail et a amélioré ces textes. La réaction du Gouvernement a été à la hauteur de l'enjeu.

En revanche, je suis inquiet sur l'application concrète des mesures que nous avons votées. J'ai la faiblesse de croire aux engagements prononcés en séance publique et M. Dussopt nous avait promis que le dispositif d'aide prévu pour les parcs zoologiques s'appliquerait aussi aux centres équestres ; or nous n'avons toujours pas de décret en ce sens. Nous avons voté le 21 avril un taux réduit de TVA pour les tenues de protection : c'était il y a deux mois et le texte d'application n'est toujours pas paru. Les entreprises et les collectivités territoriales n'y comprennent plus rien. Il faut arrêter ces tergiversations administratives : le texte doit sortir ! Fin avril, vous avez annoncé le doublement des seuils d'application du fonds de solidarité pour le secteur du tourisme ou encore de la restauration. C'est une mesure très attendue, je reçois des courriers de professionnels inquiets : quand sera-t-elle enfin applicable ? Le Gouvernement a, jusqu'à présent, été réactif et le Parlement, conscient de sa responsabilité, a travaillé dans des conditions difficiles. Mais nous constatons maintenant un « retard à l'allumage » pour des mesures pourtant très attendues par les entreprises.

Les chiffres relatifs à la situation économique française sont inquiétants. Dans ses nouvelles prévisions économiques, l'OCDE indique que la chute du PIB en France, estimée à - 11,4 %, devrait être supérieure de près de 5 points à celle constatée en Allemagne, qui sera de - 6,6 % en 2020. Mais il y a une différence d'approche. Dans ce troisième PLFR, la France prend des mesures de soutien et de relance sectorielles - que nous approuvons globalement. Pendant ce temps, l'Allemagne adopte déjà un plan de relance de grande ampleur. Or, dans ce PLFR, il n'y a quasiment rien ni sur les investissements des entreprises - hors secteurs spécifiques -, par exemple sur l'amortissement, ni comme mesure de soutien général à la consommation, ni sur le fonds de compensation de la TVA (FCTVA) pour les collectivités territoriales. Pourquoi cette différence d'approche ? L'Allemagne, qui a pourtant moins besoin de relancer son économie, fait beaucoup plus et plus vite que la France. Cela s'explique-t-il par notre handicap initial de comptes publics ? La France avait, avant la crise, près de 100 milliards d'euros de déficit, alors que l'Allemagne était à l'équilibre primaire. L'impact du plan allemand est estimé à 5,5 points de PIB, celui du plan français à 2,6 points : l'écart est important ! Quelle sera l'articulation entre les mesures de ce PLFR et un plan de relance plus général qui comporterait des mesures d'incitation à l'investissement et à la consommation ?

Quelques 100 milliards d'euros d'épargne seraient thésaurisés. Comment les faire sortir et les orienter vers la consommation ? Il ne s'agit pas que d'une épargne de précaution : certains sont inquiets de perdre leur emploi, mais les retraités par exemple ont aussi augmenté leur taux d'épargne.

Hier, nous avons entendu Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. Il a émis deux petites réserves sur ce PLFR : les prévisions de pertes de recettes d'impôt sur le revenu pourraient être sous-évaluées ; une partie des effets de la crise n'aurait pas été prise en compte, à la hausse comme à la baisse. Ce PLFR reflète-t-il donc bien intégralement toutes les évolutions attendues, en recettes comme en dépenses ?

Enfin, j'approuve votre philosophie : il faut donner du travail aux gens et relancer l'activité. Mais pourquoi ne décide-t-on pas l'ouverture complète des restaurants à Paris, comme cela est désormais le cas en Italie et en Espagne ? Ce serait le meilleur moyen de les aider.

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