Intervention de Franck Montaugé

Commission des affaires économiques — Réunion du 4 juin 2020 à 15h00
Présentation des plans de relance dans les domaines de l'énergie de l'agriculture et des télécommunications du numérique et des postes par les pilotes en charge des cellules de veille de contrôle et d'anticipation des secteurs correspondants

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé :

En réalité, la crise du Covid-19 crée une opportunité historique pour accélérer les transitions déjà engagées, pour la plupart d'entre elles, dans le monde agricole.

Le deuxième axe de proposition de notre plan de relance agricole vise, justement, à promouvoir les productions françaises, notamment en faisant de la commande publique un levier pour une telle valorisation.

On l'a vu durant la crise, les Français ont, pour certains produits, attaché une importance plus grande qu'à l'habitude à l'origine. Et les sondages démontrent que c'est une de leurs attentes principales en matière alimentaire. La commande publique doit permettre d'accentuer cette tendance.

À court terme, des contrats pourraient par exemple être renégociés afin de favoriser l'approvisionnement de produits qui ont été stockés et surgelés pendant la crise.

À moyen terme, la commande publique devrait permettre d'offrir des débouchés durables aux producteurs afin d'améliorer leurs revenus.

Mais il ne faut pas se faire d'illusion, la question des moyens financiers que la restauration collective pourra consacrer aux achats de produits alimentaire sera décisive. Et disons-le franchement : toutes les initiatives louables seront vaines tant que les gestionnaires devront fournir 4 repas à l'hôpital pour un montant de 4,3 euros par jour.

À cet égard, une négociation européenne doit s'ouvrir rapidement sur la question de l'origine des produits dans les approvisionnements.

Aujourd'hui, même s'il est possible aux acheteurs de fixer des critères guidant leurs choix, ces procédures sont très complexes et découragent fortement les collectivités territoriales.

Finalement, le prix prédomine et pénalise les approvisionnements plus locaux dont les vertus sont souvent supérieures.

Alors profitons de ce plan de relance pour prévoir un grand volet sur la commande publique ! Aujourd'hui, la prise en compte dans les appels d'offres des coûts climatiques et environnementaux des produits est une piste à approfondir. La notion de cycle de vie des produits pose aussi question. Il convient d'adapter, sans forcément compliquer, les critères et procédures de passation des marchés, tout en accentuant la formation des acheteurs.

Dans le même objectif de valorisation des produits nationaux, un travail sur l'étiquetage est nécessaire, tant sur l'origine des produits, leur qualité nutritives que sur l'optimisation des labels. Des campagnes de communication sur le sujet, à moindre coût pour les interprofessions, devraient être mises en oeuvre rapidement.

Voilà pour le deuxième axe consacré à la valorisation de la production nationale.

Mais un plan de relance agricole ne saurait passer à côté de la question de l'investissement. Et c'est l'objet du troisième axe de notre rapport.

La relance agricole doit être résolument tournée vers les transitions environnementales et climatiques, pour accélérer les changements déjà engagés dans nos campagnes. Ces transitions doivent être soutenues et accompagnées, sans jamais laisser les agriculteurs sans solution, cela est fondamental.

À cet égard, l'innovation et l'investissement seront essentiels.

Des solutions existent déjà pour réduire les intrants, améliorer le bien-être animal et accroitre la résilience des agriculteurs au changement climatique. Sans parler des progrès dans le machinisme avec des pulvérisateurs qui permettent déjà, par l'intelligence embarquée, de réduire de 50 à 90 % les quantités épandues. Et on pourrait aussi citer les filets anti-grêles qui permettraient d'améliorer considérablement la résilience de nos exploitations.

L'agriculture de précision, appuyée sur un big data agricole, est plus que jamais nécessaire. Cette agriculture, non exclusive de techniques culturales plus traditionnelles, peut et doit être une partie de la réponse aux défis à relever et aux attentes de la société des citoyens - consommateurs.

Mais quand on y regarde de près, le coût de ces équipements est souvent dissuasif.

Des mécanismes fiscaux résolument tournés vers l'innovation pourraient être mis en place, au moyen d'un suramortissement ou d'un crédit d'impôt sur ces investissements permettant d'accélérer les transitions de notre agriculture. Dans le cadre de la déclinaison agricole du Green deal, le programme Horizon Europe pourrait utilement concourir au développement de cette agriculture de précision.

Deux autres propositions invitent à améliorer les installations de fret (ferroviaire et fluvial) pour réduire le surcoût logistique et à engager une réflexion sur un fonds spécifique de recapitalisation des coopératives.

Enfin, il importe d'investir dans le soutien à l'export. La France doit garder voire développer ses positions en matière d'exportations agricoles.

La Cour des comptes a épinglé début 2019 les dispositifs publics de soutien aux exportations. Il est urgent de se mettre en ordre de marche sur le sujet. Le secteur viticole, premier exportateur agricole, en a besoin dans le contexte actuel si difficile. À cet égard, je rappelle notre soutien à leur demande de création d'un fonds de compensation des pertes dues aux sanctions américaines.

Voilà pour le troisième axe consacré à l'investissement !

Le quatrième et dernier axe concerne le volet européen.

En effet, nous passerions à côté d'un sujet majeur si nous laissions de côté l'importance de la Politique agricole commune (PAC) dans cette stratégie de relance.

À ce stade, l'Union européenne multiplie les annonces qu'il conviendra d'analyser en temps voulu, quand elles auront été précisées.

En tout état de cause, le maintien d'un budget à euro constant est toujours en question et les modalités d'application de la PAC pourraient mener, en l'état, à une renationalisation des politiques agricoles. La multiplication des plans de relance nationaux sur l'agriculture, approuvés implicitement par la prise de recul de l'Union européenne dans la gestion de la crise, en est déjà une illustration.

Nous tenons à rappeler que la Politique agricole commune est un instrument communautaire intégré essentiel pour la garantie de la résilience alimentaire du continent et même sa souveraineté.

La crise nous a rappelé que cette résilience n'était pas garantie de toute éternité.

À la lumière de ces éléments, la réforme de la PAC proposée par la Commission, en poussant la subsidiarité à un niveau jamais atteint, est-elle pertinente ?

Dans le cadre de la future PAC, nous appelons à la création d'un troisième pilier, financé par une enveloppe complémentaire spécifique qui permettrait de rémunérer les services environnementaux - les externalités positives - rendus par les agriculteurs à la société, notamment en matière d'aménagement du territoire, de stockage du carbone dans les sols, de qualité de l'eau et de l'air ou de biodiversité sous ses différentes formes.

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