Intervention de Jean-Luc Fichet

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 28 mai 2020 à 10h00
Examen du rapport sur l'alimentation du futur en téléconférence

Photo de Jean-Luc FichetJean-Luc Fichet, rapporteur :

L'intervention des pouvoirs publics sera nécessaire pour accompagner la transition vers une alimentation durable. Elle a d'ailleurs déjà eu lieu. Mais nous devrons sans doute le faire à l'avenir différemment. Nous devrons par exemple retrouver une place importante pour la filière des légumineuses, qui apparaissent comme une constante incontournable dans la transformation de nos systèmes alimentaires.

Manger moins est bon pour la santé et l'environnement. Les émissions de gaz à effet de serre sont corrélées aux quantités et calories ingérées. Réduire les apports alimentaires constitue le principal levier pour réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre du système alimentaire. Changer la composition du régime de manière isocalorique a un effet neutre ou positif sur les émissions. Les tableaux présentés dans le rapport montrent l'évolution de la consommation alimentaire en Europe, et ses incidences sur les gaz à effet de serre.

Moins gaspiller constitue un aspect majeur de la réduction des impacts écologiques et de l'accessibilité financière des régimes durables. Ce point me semble primordial, qu'il concerne les particuliers ou la restauration collective.

Les pertes alimentaires cumulées tout au long de la chaîne de valeur représentent 25 à 30 % des quantités produites et 8 à 10 % des émissions anthropiques de gaz à effet de serre. Les consommateurs gaspillent en moyenne 7 kg de produits alimentaires encore emballés chaque année, ce qui correspond à une perte de 108 euros.

Il est nécessaire d'amplifier les effets de la sobriété alimentaire par un rééquilibrage des apports végétaux et animaux dans notre alimentation. Les graphiques présentés indiquent qu'abaisser le niveau élevé de la consommation de produits animaux dans les pays occidentaux et une partie des pays émergents réduirait la pression considérable qu'exerce l'élevage sur l'environnement. Réduire notre consommation animale libérerait du foncier et limiterait notre dépendance aux achats de protéines extérieures, sans pour autant mettre en péril la santé des consommateurs.

L'utilisation d'engrais et de pesticides pour produire en monoculture intensive des céréales et des protéagineux pour animaux est une source majeure de pollution aux nitrates du milieu ambiant.

L'élevage des ruminants est souvent accusé d'exercer un effet négatif. Mais il pourrait jouer un rôle majeur dans la transition agroécologique. Il permet d'optimiser l'usage de surfaces agricoles. L'élevage à l'herbe permet de produire de la nourriture ingérable par l'homme à partir de surfaces en péril. Sans lui les prairies seraient stériles pour le système alimentaire. Il permet la valorisation des coproduits végétaux non consommables par l'homme. L'élevage extensif contribue à la biodiversité. L'élevage ruminant est un levier essentiel de l'optimisation du cycle de l'azote. Dans la chaîne écologique, les ruminants sont donc extrêmement importants.

Notre proposition sur le sujet vise à promouvoir un discours équilibré et apaisé sur la consommation de produits animaux, en soulignant leur intérêt nutritionnel et en expliquant que les filières d'élevage durables sont un élément-clé de la conversion agroécologique, indispensable à la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre et à la préservation de la biodiversité.

La sobriété et la végétalisation constituent des solutions durables, mais aussi culturellement acceptables. Il existe un groupe de « déviants positifs ». L'alimentation de ces 20 % de la population émet 20 % de gaz à effet de serre de moins que la moyenne. Elle est compatible avec les habitudes alimentaires françaises. Il est également possible de modéliser des régimes alimentaires durables, qui réduisent les émissions de 30 %, tout en respectant les recommandations nutritionnelles et en restant proches de régimes actuels. Si nous diminuons notre consommation de viande et modifions les modes de transformation, nous ne mettons pas notre santé en péril. Des repas équilibrés peuvent avoir un impact très important sur l'environnement et les gaz à effet de serre.

Lorsque l'on a identifié les contours d'une alimentation bonne pour la santé et l'environnement, susceptible de s'accorder avec notre culture alimentaire, une question se pose : comment réaliser la transition vers cette nouvelle alimentation ? Quels leviers actionner pour réussir la transition alimentaire du XXIe siècle ?

Cette transition est d'abord tirée par la demande. Le changement est déjà engagé dans notre pays au niveau des consommateurs, comme en témoignent plusieurs phénomènes, tels l'intérêt pour les circuits courts ou l'essor rapide du bio. Ces mutations de la demande peuvent exercer un effet d'entraînement sur l'ensemble du système alimentaire, jusqu'au secteur agricole. Les pouvoirs publics n'ont donc pas à créer un mouvement, mais à prendre appui sur la dynamique sociétale émergente pour amplifier ou lever les freins gênant son plein déploiement. Nous avons bien souvent une demande prescriptive vis-à-vis du monde agricole. Nous pourrions simplement les inviter à observer le mouvement de la demande, et les accompagner pour l'amplifier vers une alimentation plus durable.

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