Intervention de Jean Rottner

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 30 avril 2020 : 1ère réunion
Table ronde sur le thème « les élus à l'action dans les foyers épidémiques de covid-19 » avec jean rottner président de la région grand est brigitte klinkert présidente du conseil départemental du haut-rhin et stéphane beaudet maire d'évry-courcouronnes président de l'association des maires d'île-de-france amif

Jean Rottner, président de la région Grand Est :

Je vous remercie pour la densité de vos questions. Catherine Troendlé a bien cerné le sujet en évoquant le NRBC : avec cette épidémie mondiale, nous sommes dans une guerre bactériologique. Mais nous avons du flou en face de nous. Par exemple, sur le lien entre le syndrome de Kawasaki chez les enfants et le Covid-19. Nous devons admettre ce flou et vivre avec, tout en poursuivant notre réflexion sur l'organisation. Nous avons dû faire face également à de nombreuses indécisions, parfois scientifiques, avec rapport contre rapport, polémique contre polémique.

Avec le déconfinement, nous sommes face à un oxymore : lentement le plus vite possible. Nous devons tâcher de rectifier et d'anticiper. Dans une crise, pour gagner, il faut toujours avoir un coup d'avance et faire un pas de côté pour prendre des décisions qui gagneront l'épidémie de vitesse.

L'organisation zonale de la sécurité civile existe, avec un préfet de zone chargé de la sécurité qui peut mobiliser l'armée, les forces de sécurité civile, la police, les hôpitaux, etc. Or on n'y a pas toujours fait référence. Il y a une forme d'autorité à reconsidérer en cas de crise majeure. Par rapport au préfet de département, le préfet de région a une vision plus large et les moyens d'apporter du renfort sur une partie du territoire régional. Je crois au rôle essentiel du préfet de zone. Nous avons une organisation militaire, une organisation sanitaire et une organisation civile : ça commence à faire beaucoup ! Nous pourrions au moins simplifier les organisations sanitaire et civile. Si nous donnions un rôle de coordination et des pouvoirs supplémentaires au préfet de zone, cela amènerait plus de cohérence.

En quelques jours, la région, les dix départements et les 169 intercommunalités ont réussi à mettre en place un fonds baptisé « résistance ». Chacun y a mis 2 euros par habitant, y compris la Banque des Territoires, qui s'est décidée en seulement quatre jours. Ce sont ainsi 45 millions d'euros qui sont attribués dans des comités d'engagement locaux à de très petites entreprises, des indépendants, des commerçants, des artisans, des structures culturelles ou sportives - structures qui passaient au travers des mailles du filet des grands dispositifs nationaux. Il s'agit d'avances remboursables et non pas de subventions, ce qui nous permet d'être dans de l'investissement et non dans du fonctionnement.

Nous devons vivre avec l'épidémie, y compris dans le Cantal. Dans certains secteurs, nous devons être plus stricts qu'aujourd'hui. Des stratégies locales peuvent être développées, comme l'a évoqué Philippe Pemezec. Je ne souhaite pas revivre avec les tests la situation que nous avons vécue pour les masques. Nous manquons d'écouvillons. Il y a une inégalité entre citoyens sur la capacité à être détecté. C'est pourquoi la région Grand Est a décidé, en concertation avec l'État, de créer une société d'économie mixte chargée d'acquérir des tests virologiques et sérologiques pour les mettre à la disposition des acteurs, laboratoires publics et privés, et éviter ainsi de dépendre d'une flambée des prix ou d'une pénurie. Nous avons anticipé la décision gouvernementale afin d'équiper l'ensemble du territoire régional. Il faudra d'ailleurs renforcer les tests dans les zones rouges par rapport aux zones vertes. En outre, les tests devront être plus systématiques que ce qui est préconisé par l'État. Nous avons vu la transformation de la doctrine de l'État, qui s'est adaptée à la disponibilité des masques...

En termes d'aménagement du territoire, la santé reste une compétence nationale, mais malheureusement trop d'acteurs s'en occupent par défaut : la région, le département, les intercommunalités, les communes. Nous sommes tous présents sur les sujets de santé. Je pense par exemple à la dépendance et aux Ehpad - sujet de santé majeur dont s'occupe le département - ou à la formation des personnels paramédicaux. Chaque année, la région Grand Est consacre 120 millions d'euros à la politique de santé. Malgré cela, il est difficile d'avoir une organisation cohérente : il y a des décisions administratives, des décisions budgétaires, mais pas de véritable construction d'une stratégie de santé à l'échelle de notre territoire. Nous devons changer de modèle et construire des politiques sanitaires de proximité. Il y a une révolution à faire au niveau des ARS.

Quatre sujets sont aujourd'hui majeurs pour nos concitoyens et déterminants pour l'attractivité d'un territoire : le très haut débit, les mobilités, les formations et la santé. La santé ne peut pas être gérée depuis Paris ou avec une vision purement comptable. Je ne revendique pas forcément la compétence santé pour la région, cette politique pourrait parfaitement être gérée par les départements, qui s'occupent déjà de l'enfance en danger et de la dépendance. Dans la refonte de notre pacte républicain, nous devons avancer sur cette question des compétences.

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