Lorsque le tsunami du Covid-19 a déferlé sur le Haut-Rhin, nous n'étions pas préparés, mais nous avons dû faire front. Nous avons la chance d'avoir un préfet avec lequel les relations de travail sont excellentes. Mais tout ne peut dépendre des seuls facteurs humains. Dans cette crise, nous avons vu les failles et les limites de l'organisation de l'État et de l'organisation sanitaire de notre pays. Il me semble indispensable que le préfet de département soit le pilote de l'ensemble des services déconcentrés de l'État sur le territoire, avec a minima une task force à sa disposition, à laquelle les élus locaux seraient associés. Le nouveau périmètre issu de la création des grandes régions ne devait pas entraîner d'alignement systématique des services de l'État ; or nous avons assisté à une harmonisation concernant le rectorat et l'administration sanitaire. Lorsque des patients de réanimation ont été transférés de Mulhouse ou de Colmar vers d'autres régions françaises ou d'autres pays, les décisions ont été prises à l'échelle zonale - et donc à Nancy. Cela a posé de terribles problèmes. Je plaide pour une organisation au niveau local, car le système actuel est inopérant.
Nous nous attendons à ce que le Haut-Rhin soit un département rouge. C'est une bonne chose que nous sortions du confinement département par département. J'appelle à la plus grande prudence. Alors qu'elle se déconfine depuis quelques jours, l'Allemagne assiste déjà à une reprise de l'épidémie de Covid-19. Notre département a connu plus de 128 % de surmortalité : l'État doit adapter ses moyens en fonction des territoires. En matière de dépistage, d'équipements de protection et de mesures de soutien à la reprise économique, il faut une stratégie partagée entre le niveau national et les territoires, avec des indicateurs communs.
S'agissant des écoles, je préconise la prudence et la différenciation. Durant ces deux mois, j'ai pris des décisions sur lesquelles ma direction juridique m'avait mise en garde ; par exemple, sur les tests sérologiques que j'ai fait réaliser dans les Ehpad pour que nos directeurs et médecins coordonnateurs disposent d'une cartographie du passage du virus au sein de leur établissement.
Le couple Länder-Bund fonctionne bien en Allemagne, dans la proximité et le partage de compétences. J'ai écrit à Mme Jacqueline Gourault afin de lui demander de pouvoir sortir du carcan de la loi NOTRe et de bénéficier d'une clause de compétence générale pendant un certain temps, compte tenu de la situation exceptionnelle, et pour répondre aux attentes du monde économique.
Sur les masques textile, nous avons assisté à un revirement : ils sont désormais préconisés, voire obligatoires dans les transports en commun. De nombreux Haut-Rhinois portent déjà de tels masques. Le 16 avril dernier, le département a fait une commande groupée avec les EPCI de 770 000 masques, au prix unitaire de 2,16 euros, auprès de Pôle textile Alsace. Ils seront livrés peu après le 11 mai. Mais les normes évoluent sans cesse : il y a trois jours, Pôle textile Alsace a dû changer de cylindre, ce qui a occasionné quarante-huit heures de retard pour la livraison ! Nos concitoyens nous demandent de leur fournir des masques ; en Allemagne, le maire d'une commune voisine a conseillé à ses concitoyens de fabriquer eux-mêmes leurs masques avec les tutoriels disponibles sur internet.
Pragmatisme, efficacité, proximité, « aide-toi et le ciel t'aidera » sont les conclusions que j'ai tirées de cette crise sanitaire.