Intervention de Jean de L'Hermite

Commission d'enquête Pollution des sols — Réunion du 19 mai 2020 : 1ère réunion
Audition de Mm. Jean de l'Hermite directeur juridique et samuel dufay directeur environnement et de Mme Céline Leroux responsable juridique de la société eramet en téléconférence

Jean de L'Hermite, directeur juridique de la société Eramet :

Je commencerai par répondre à la question de l'articulation entre la législation minière et la législation en matière de protection de l'environnement.

Je rappelle tout d'abord qu'Eramet n'a jamais eu d'activité minière en France métropolitaine. Nous ne sommes donc pas très bien placés pour répondre à une telle question dans le cadre de la réglementation métropolitaine. En revanche, nous connaissons bien la réglementation applicable en Nouvelle-Calédonie et nous avons un avis sur la façon dont elle fonctionne. La législation calédonienne ressemble, à certains égards, à celle de la métropole, mais elle n'en est pas dérivée. Depuis que la Nouvelle-Calédonie est un territoire français, elle a toujours eu une législation minière et une législation de l'environnement spécifiques. Ce n'est pas seulement un effet du principe de spécialité législative tel qu'il découle de l'article 74 de la Constitution et maintenant du statut constitutionnel spécifique. C'est aussi une conséquence d'ordre pratique : l'autorité compétente pour légiférer et règlementer en matières minière et d'activité industrielle non minière en Nouvelle-Calédonie n'a historiquement presque jamais été l'État. Cette compétence a presque toujours été exercée par les autorités locales, sauf pendant une assez brève période, de 1969 à 1999, notamment en raison de l'extrême éloignement de ce territoire par rapport à la métropole. Par ailleurs, les substances extraites du sol n'avaient pas d'équivalent en métropole où la réglementation était à l'époque surtout conçue pour l'extraction du fer et du charbon.

La législation calédonienne est spécifique : elle repose sur un code minier et sur un schéma de mise en valeur des richesses minières, qui date de 2009 et qui a été élaboré par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie. L'application de cette législation relève des provinces.

Cette législation organise essentiellement les modalités selon lesquelles un opérateur, pourvu qu'il justifie de qualifications techniques et financières, peut être autorisé à exercer l'activité minière. Elle assure l'attribution du permis de recherche et d'exploitation. Le législateur permet à l'administration de donner à un opérateur un droit dérogatoire au droit commun de la propriété, consistant à pouvoir extraire une certaine ressource du sous-sol, et uniquement celle-là. Une fois l'extraction faite, le sous-sol et le sol superficiel n'existeront plus. Il y a donc une obligation de remise non pas en l'état initial, laquelle est absolument impossible, l'extraction étant irrémédiable, mais dans un état qu'il appartient au législateur et à l'autorité chargée du contrôle des travaux miniers - la province en l'espèce - de définir. Cette définition repose sur un certain nombre d'obligations en termes de végétalisation, de restitution de la biodiversité et de prévention de l'érosion. Le problème végétal et le problème de l'érosion, en particulier dans le contexte calédonien, sont bien les problèmes essentiels, en l'absence de l'utilisation de solutions polluantes pour l'extraction et de substances polluantes dans les matériaux manipulés.

La façon dont le contrôle s'exerce et le type de dialogue avec les autorités publiques sont très analogues à ceux qu'un industriel plus classique, qui exploite simplement une usine, a avec les services chargés d'une installation classée.

Ainsi, lorsque vous avez un permis minier, vous avez le droit d'extraire le nickel d'un gisement donné, mais vous devez au préalable obtenir une autorisation de travaux, en plus du permis minier. Cette autorisation est délivrée par le président de l'assemblée de la province calédonienne concernée, après une enquête publique et une concertation locale, sur la base d'un dossier qui ressemble fort à un dossier de demande d'autorisation au titre de la législation métropolitaine applicable aux ICPE. Sur la base de ces échanges et de cette enquête, un arrêté d'autorisation, qui ressemble là encore à un arrêté ICPE, est édicté par le président de la province. Des contrôles peuvent ensuite être effectués à tout moment, soit sur pièce, soit sur place, par les inspecteurs de la direction de l'industrie des mines et de l'énergie de la Nouvelle-Calédonie. Les éventuels écarts avec les arrêtés d'autorisation entraînent les mêmes conséquences pour l'exploitant que pour une installation classée.

Il existe donc de grandes différences de nature entre les deux activités, mais aussi de grandes analogies dans le fonctionnement concret, pour autant que les problématiques soient les mêmes.

J'ajoute qu'il existe également une législation ICPE spécifique en Nouvelle-Calédonie, différente dans chaque province, le statut de la Nouvelle-Calédonie prévoyant que le code de l'environnement est édicté par chaque province pour son propre compte. Notre usine de transformation métallurgique de Nouméa est soumise au code de l'environnement de la province Sud. Le cadre juridique est très semblable au cadre ICPE métropolitain. Nous avons l'expérience de ces deux législations, qui sont juridiquement indépendantes. En cas de litige sur les travaux miniers, on ne peut pas invoquer une disposition du code de l'environnement de la province, mais, dans les faits, pour autant qu'il y ait des points d'attache communs, les deux législations se rencontrent.

Voilà comment se passent les choses en Nouvelle-Calédonie, sans intervention de l'État, je le rappelle, ce dernier n'ayant plus aucune compétence en matière minière et d'environnement en Nouvelle-Calédonie, sauf en matière de contrôle des substances radioactives.

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