Intervention de Azad Kibarian

Commission d'enquête Pollution des sols — Réunion du 20 mai 2020 : 1ère réunion
Audition de Mm. Azad Kibarian directeur général de suez industrial waste solutions thierry mechin directeur général délégué de suez industrial waste solutions cyril fraissinet directeur de la stratégie de suez industrial waste solutions et Mme Nora Megder directrice déléguée aux relations institutionnelles — Recyclage et valorisation france du groupe suez en téléconférence

Azad Kibarian, directeur général de Suez Industrial Waste Solutions :

Nous vous remercions de nous donner l'occasion de vous exposer les activités de Suez en matière de dépollution des sites et sols et de partager avec vous nos points de vue sur les évolutions attendues par nombre de parties prenantes.

Voilà cent soixante ans que le groupe Suez délivre des services essentiels, au travers de ses activités en matière d'eau et de déchets. Un message très fort a été relayé récemment autour de sa raison d'être, qui est de façonner un environnement durable, dès maintenant. Le groupe a fortement insisté sur trois dimensions des services qu'il fournit déjà et qu'il souhaite fournir encore davantage à ses parties prenantes : l'air, l'eau et la terre, qui est un peu le parent pauvre en termes de réglementation, mais aussi de visibilité des métiers pratiqués par Suez. Nous sommes évidemment très heureux que le groupe insiste sur cette dimension dans le cadre de nos développements.

Industrial Waste Solutions (IWS) englobe toutes les activités menées dans six pays européens en matière de gestion des déchets dangereux et des terres polluées, excavées ou non ; conduit les chantiers de dépollution ou de remédiation dans ces six pays et emploie, à cette fin, près de 2 000 collaborateurs. Nous sommes présents dans la remédiation depuis une trentaine d'années.

Nos activités en matière de remédiation et de dépollution couvrent toute la chaîne de valeur, du diagnostic environnemental à la conception de solutions, jusqu'à la mise en oeuvre de celles-ci en termes techniques très concrets.

Nous mobilisons une très grande variété de techniques, qui dépendent d'un grand nombre de facteurs. Il s'agit parfois simplement d'un traitement in situ, qui consiste à laisser la terre en place et à injecter des fluides afin de traiter et d'abattre la pollution. Il peut s'agir d'excaver les terres, soit en les travaillant et en les réutilisant sur site, soit en les envoyant ailleurs - dès lors que nous les traitons à l'extérieur, nous tombons sous le coup de la réglementation relative aux déchets. En fonction des seuils de pollution, nous pouvons recourir à un très grand nombre de techniques : lavage, traitement biologique ou encore incinération, pour des pollutions extrêmement complexes.

À ce titre, Suez a réalisé de très grands chantiers. Une référence emblématique que le groupe met volontiers en avant est le site de Chesterfield, au Royaume-Uni. Cette ancienne friche d'une centaine d'hectares a été revitalisée. Des quantités absolument colossales de terres ont été travaillées et l'environnement a été régénéré.

Depuis une trentaine d'années, plus de 5 000 chantiers de dépollution, allant de quelques milliers à quelques dizaines de millions d'euros, ont été réalisés dans la seule France. Ces dernières années, nous avons été amenés à réaliser des chantiers de plusieurs dizaines de millions d'euros, principalement sur des sites industriels, en activité ou non. Certains ne sont pas terminés.

Pour ce qui concerne le volet diagnostic, nous avons réalisé, au cours de ces trente dernières années, environ 11 500 études en vue de travaux de dépollution. De manière plus spécifique, Suez intervient pour des dépollutions pyrotechniques, parfois dans l'urgence. Ces dépollutions vont de la caractérisation des pollutions pyrotechniques jusqu'à leur neutralisation, lorsqu'il s'agit de terrains militaires.

L'activité de remédiation et de dépollution a représenté, en France, un peu moins de 70 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019. Avec la covid-19, cette activité a été brutalement arrêtée. Le choc a été instantané. À peu près tous les donneurs d'ordre ont fait cesser les travaux. Les choses reprennent doucement.

Parmi les grandes références en France figure Metaleurop, à Noyelles-Godault. Ce site est aujourd'hui un écopôle, qui héberge de nombreuses activités de Suez : centre de tri, recyclage de câbles, plateforme de traitement des terres... La revitalisation a été non seulement industrielle, mais également sociale. C'est Thierry Mechin qui a été à la manoeuvre. Nous pouvons également citer l'ancien site Giat de Saint-Chamond.

Nous sommes très présents en Belgique et aux Pays-Bas, où la pression foncière a joué un rôle très important dans les méthodologies, les lois et réglementations qui ont été mises en oeuvre. Nous le sommes un peu moins en Allemagne et de plus en plus en Espagne et en Italie. Chaque pays a intégré ses contraintes géologiques et hydrogéologiques, son histoire industrielle, la pression foncière. Il y a aussi, aux Pays-Bas, un enjeu de sécurisation de la terre par rapport aux milieux marins. Tout cela a conduit à l'émergence de différentes réglementations et à une approche radicalement différente entre, d'une part, les pays très contraints en termes fonciers que sont l'Italie, la Belgique et la Hollande et, de l'autre, la Grande-Bretagne, l'Espagne, l'Allemagne et la France, qui disposent de plus d'emprises. L'approche, en France, est plus axée sur le risque. En Belgique, en Italie et aux Pays-Bas, elle repose davantage sur la notion d'usage futur. C'est une différence très importante.

Cet exercice de comparaison a pu guider les réflexions en cours autour de la sortie du statut de déchet pour les terres excavées. Sans surprise, la société Suez est très attachée à ce que l'on puisse valoriser la ressource autant que possible, mais nous sommes également extrêmement sensibles à la protection de l'environnement et de la santé - je le suis également en tant que citoyen - et très préoccupés par une perte éventuelle de traçabilité. Il ne faudrait pas qu'une réglementation qui nous permettrait de valoriser davantage la ressource entraîne un bénéfice en matière de comptabilité environnementale, au détriment d'impacts sur la santé et l'environnement que l'on ne saurait maîtriser. Les évolutions nous paraissent a priori positives, mais le fait que des opérations de sortie du statut de déchet soient envisagées sur des sites qui ne relèvent pas de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement nous préoccupe.

La notion de sortie du statut de déchet me paraît extrêmement importante. Il est absolument remarquable que la France souhaite avancer dans cette direction, alors même que nous avons une loi sur l'eau, une loi sur l'air, mais pas de loi sur les sols. S'il existe aujourd'hui un certain nombre de dispositions réglementaires, les sols sont un peu le parent pauvre de la législation.

On voit, de temps en temps, des aberrations. Ainsi, certaines terres qui pourraient être laissées sur site, leur niveau de pollution étant tout à fait compatible avec l'usage envisagé - la construction d'un immeuble, par exemple -, sont excavées, ce qui oblige à un traitement en centre de stockage. Pour dire les choses simplement, la gestion des sols se fait en creux des autres réglementations, ce qui est préoccupant.

Nous sommes évidemment ravis que vous nous saisissiez de ce sujet. Nous considérons que les sols sont une ressource et regrettons qu'ils accueillent des pollutions anciennes.

Vous nous avez interrogés sur le recensement des pollutions. Je pense que les pouvoirs publics avancent dans le bon sens avec les secteurs d'information sur les sols (SIS). Cependant, je ne suis pas sûr que cela soit suffisant. C'est aussi la vocation des bureaux d'études que de compléter ce recensement.

Aujourd'hui, nous appelons véritablement de nos voeux une évolution de la réglementation concernant les sols. Les sujets de l'eau et des sols sont souvent intrinsèquement liés. Quand il y a une dépollution des sols à mener en urgence, c'est bien souvent parce que l'aquifère est en jeu. Mais les sols sont un sujet en tant que tel. Ils ne doivent pas être traités de manière accessoire.

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