Nous voici réunis pour nous accorder, si nous le pouvons, sur un texte commun à soumettre au vote de nos assemblées respectives.
C'est là l'objet d'une commission mixte paritaire (CMP) : faire apparaître, autant qu'il est possible et utile à la Nation, un consensus, à tout le moins un équilibre partagé sur un texte en fonction de sa pertinence et de son urgence. Je remercie, à ce titre, mon homologue du Sénat avec lequel nous avons longuement et intensément évoqué les principaux points de ce projet de loi tout au long du week-end.
Permettez-moi de rappeler succinctement les enjeux.
Lorsque ce projet de loi a été présenté en conseil des ministres le 27 mai dernier, nous n'avions aucune certitude sur l'évolution de l'épidémie de covid-19 dans les semaines à venir et sur la possibilité de tenir, ou non, le second tour des élections municipales le 28 juin prochain.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi tirait ainsi les conséquences de cette incertitude et de la demande de prudence des Français, qui, comme chacun d'entre nous, ne souhaitaient pas revivre un épisode de confinement.
Après avoir consulté l'ensemble des partis politiques, le Gouvernement a donc pris la décision de tenir le second tour des élections municipales et de convoquer les électeurs, tout en permettant, si cela s'avérait nécessaire en cas de reprise de l'épidémie, d'annuler les résultats du premier tour et d'organiser un nouveau scrutin en janvier 2021.
Depuis, le comité de scientifiques a rendu plusieurs avis, dont ceux des 8 et 14 juin dernier, qui permettent de faire le constat que la circulation du virus en France a été fortement ralentie et que l'épidémie est contrôlée, même si une reprise des contaminations demeure possible. Le Président de la République s'est par ailleurs exprimé hier soir sur l'évolution de la situation et les suites du déconfinement.
Par conséquent, le texte que nous examinons a sensiblement évolué au cours de la navette parlementaire.
D'abord, le projet de loi, qui comprenait initialement quatre articles lors de son dépôt, puis huit au sortir de son examen par l'Assemblée nationale, en compte désormais vingt-deux après la lecture par le Sénat. Ensuite, il porte davantage sur les conditions dans lesquelles le scrutin du 28 juin pourrait se tenir que sur l'hypothèse d'une nouvelle élection en janvier prochain.
À ce titre, l'Assemblée nationale a adopté deux dispositions particulièrement importantes.
En premier lieu, nous avons porté à deux au lieu d'une le nombre de procurations établies en France dont pourra disposer un mandataire, de manière à soutenir la participation. À cet égard, je salue le travail des présidents Philippe Bas, Bruno Retailleau et Hervé Marseille, qui ont été précurseurs sur ce sujet.
En second lieu, nous avons introduit une disposition spécifique en cas d'apparition d'un cluster. Je rappelle que près de 200 clusters ont été identifiés depuis le début du déconfinement. Comme vous le savez, à Mayotte et en Guyane, la situation est très compliquée et ne permettra sans doute pas la tenue du second tour dans des conditions sanitaires satisfaisantes. Par conséquent, nous avons prévu la possibilité, dans la limite de 5 % des communes concernées par le second tour et sous des conditions strictes, d'annuler les résultats du premier tour et d'organiser une nouvelle élection dans les quatre mois suivant cette décision. J'espère que nous n'aurons à faire usage de cette disposition que dans des cas très limités, mais il convenait toutefois de la prévoir.
Sur ces deux premiers sujets, nous avons eu des échanges que je considère fructueux avec le rapporteur du Sénat pour parvenir à une rédaction de compromis, sans doute meilleure que celle qui résultait de nos travaux respectifs.
Ainsi, concernant les procurations, nous vous soumettrons une proposition de rédaction permettant de faciliter le déplacement des officiers de police judiciaire (OPJ) et autres agents habilités pour établir ou retirer les procurations au domicile des personnes qui ne pourraient se déplacer en raison du covid-19, et ce, sans justificatif. Je pense ici aux cas « contacts », aux personnes à risques, etc.
S'agissant des clusters, nous vous proposerons de conserver l'apport du Sénat sur le fait que l'annulation du scrutin de mars et l'organisation d'un nouveau scrutin doivent faire l'objet d'un décret en conseil des ministres, plutôt que d'un arrêté préfectoral. Le mandat des conseillers municipaux en place serait, quant à lui, prolongé jusqu'à l'élection des nouveaux élus.
Ce projet de loi contient également des dispositions diverses assez techniques concernant l'organisation des collectivités territoriales - sur lesquelles nous sommes globalement d'accord - et les nécessaires coordinations pour l'outre-mer. Là encore, nous reconnaissons bien volontiers l'apport du Sénat et des propositions de loi qui y ont été déposées ; je pense en particulier au travail du sénateur Cédric Perrin, dont la proposition de loi a été examinée récemment par votre assemblée et dont nous reprendrons, si nos travaux sont conclusifs, une large partie.
Enfin, ce texte traite d'un dernier sujet très important pour nombre de nos concitoyens résidant à l'étranger, à savoir l'organisation des élections consulaires.
Je rappelle, à ce titre, que le projet de loi prévoit un nouveau report des élections consulaires, qui devaient se tenir les 16 et 17 mai 2020. Déjà reportées à juin 2020 dans le cadre de la loi d'urgence du 23 mars dernier, l'article 4 les renvoie à mai 2021. Il tire en cela les conséquences de l'avis du comité de scientifiques, selon lequel il est pour l'instant impossible d'anticiper la façon dont évoluera la situation épidémiologique dans l'ensemble du monde et qu'il convient, par conséquent, de procéder à un nouveau report des élections consulaires.
Nous avons eu un débat dense à l'Assemblée nationale pour savoir s'il fallait, ou non, conserver une souplesse dans la date d'organisation de ce scrutin particulier. S'il ne s'agit pas d'anticiper le plus possible ces élections, il faut toutefois les organiser au meilleur moment. Nous avons eu également cette discussion avec le rapporteur pour le Sénat, et nous avons, me semble-t-il, trouvé un accord sur la tenue des élections consulaires en mai prochain, au regard de la complexité de l'organisation d'un scrutin à l'échelle mondiale et dans des circonscriptions si différentes.
Par ailleurs, nous vous proposerons, communément, des avancées sur les conditions de dépôt des déclarations de candidature, qui me semblent aller dans le sens d'une réelle simplification.
Le Sénat a également souhaité aller plus loin sur les conditions d'exercice de leur mandat par les conseillers des Français de l'étranger. Ce sujet n'était pas au coeur de ce texte, et un premier pas significatif avait été fait dans la loi « Engagement et proximité » du 27 décembre dernier. Nous prenons acte de la volonté du Sénat d'aborder cette question au travers de ce texte, mais, pour autant, les avis sont plus partagés parmi les députés, notamment parmi nos collègues représentant les Français de l'étranger.
Si des progrès doivent être faits - c'est indéniable -, les conseillers des Français de l'étranger ne sont pas dans une situation en tout point semblable à celle des élus locaux. Toutefois, je crois que le rapporteur pour le Sénat et moi-même sommes parvenus à un équilibre, qui permettra de réelles avancées, sans bouleverser le fonctionnement des conseils consulaires à quelques mois de leur renouvellement.
L'équilibre global de ce texte n'a pas été facile à obtenir. Nous avons réellement travaillé à un accord, parfois malgré les réticences des uns et des autres, et j'en remercie sincèrement le rapporteur Philippe Bas. Forts de ce principe qui scelle le sort des CMP, selon lequel il n'y a d'accord sur rien s'il n'y a pas d'accord sur tout, nous pourrions nous entendre aujourd'hui sur ce texte de compromis.
Je souhaiterais conclure mon propos en soulignant le souhait partagé par nos deux assemblées d'accompagner au mieux les élus locaux, mais aussi les conseillers des Français de l'étranger, qui, soit du fait de la prolongation de leur mandat, soit parce qu'ils viennent d'être nouvellement désignés ou reconduits, sont en première ligne dans la gestion de la crise sanitaire et auprès de nos concitoyens. Ce projet de loi en constitue le témoignage indéniable, et j'espère que nos débats seront conclusifs.