Intervention de Annick Billon

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 11 juin 2020 : 1ère réunion
Audition de M. François Molins procureur général près la cour de cassation

Photo de Annick BillonAnnick Billon, présidente :

Monsieur le procureur général, mes chers collègues, nous terminons aujourd'hui notre cycle de réunions sur les violences conjugales et les violences faites aux enfants, ce thème s'étant inscrit au coeur de notre agenda, actualité oblige, dès le début du confinement.

Nous avons ainsi entendu, outre Adrien Taquet et Marlène Schiappa :

- Alain Legrand, président de la FNACAV (Fédération nationale des associations et des centres de prise en charge d'auteurs de violences conjugales et familiales), sur la plateforme d'écoute créée en avril 2020 à l'attention des auteurs de violences ;

- deux avocates spécialisées dans la défense des victimes de violences (maîtres Isabelle Steyer et Carine Durrieu-Diebolt) ;

- Luc Frémiot ;

- Ernestine Ronai et Édouard Durand, que vous connaissez bien.

Malheureusement, le calendrier législatif fait que la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales était inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée avant-hier.

Nous ne pourrons donc pas tirer les conséquences de cette audition pour améliorer ce texte, à moins que l'inflation législative qui semble être la règle ces dernières années en matière de violences nous permette bientôt de traduire nos échanges par de nouvelles modifications des codes en vigueur...

Monsieur le procureur général, je vous remercie infiniment de vous être rendu disponible pour nous ce matin. C'est la troisième fois depuis décembre 2015 que nous avons le plaisir de vous entendre sur les violences faites aux femmes et aux enfants, et à chaque fois vous nous avez beaucoup éclairés.

Nous connaissons votre implication et votre engagement dans la lutte contre ces violences et pour la protection des victimes. Vous avez beaucoup fait dans ce domaine, à Bobigny puis à Paris, et notre délégation y est très sensible.

Nous avons besoin de vous entendre dans le contexte actuel, marqué non seulement par la prise de conscience du fléau des féminicides, qui a caractérisé l'année 2019, mais aussi par le Grenelle de lutte contre les violences conjugales, qui a beaucoup mobilisé les acteurs entre septembre et novembre 2019 et, enfin, par les défis du confinement et du déconfinement.

Notre délégation regrette que la protection des victimes de violences conjugales reste très aléatoire et dépende, finalement, de la plus ou moins grande implication des professionnels rencontrés (policier ou gendarme, procureur, juge, avocat) dans la lutte contre les violences intrafamiliales et de leur sensibilisation à ce fléau. La protection des victimes reste donc inégale selon les territoires : c'est pour nous une préoccupation constante.

Pour améliorer le traitement de ces violences, le rapport de l'Inspection générale de la justice sur les homicides conjugaux, publié en octobre 2019, a pointé diverses insuffisances dans le traitement judiciaire des violences, parmi lesquelles :

- le déroulement de l'enquête préliminaire, au cours de laquelle l'auteur des faits n'est pas systématiquement auditionné ;

- une incapacité des acteurs de la chaîne judiciaire à repérer les situations de violences du fait d'un cloisonnement ou d'une mauvaise coordination entre les services ;

- l'absence d'exploitation des « mains courantes » et la qualification parfois erronée des faits qui y sont mentionnés (« différend familial » au lieu de « coups et blessures », par exemple) ;

- le faible taux de plaintes transmises au parquet.

Par ailleurs, dans le cadre du Grenelle, le groupe de travail Justice a souligné l'intérêt de pratiques concernant :

- le suivi des violents conjugaux (TGI de Saintes et de Clermont-Ferrand) ;

- le suivi des sortants de prison (à Toulouse) ;

- la mise en place de filières d'urgence pour le traitement des violences conjugales (TGI de Créteil, Rouen ou Angoulême).

Mais ce rapport a aussi souligné « la nécessité de passer des bonnes pratiques à la mise en oeuvre d'une politique publique cohérente de lutte contre les violences conjugales ».

La mise en oeuvre de cette « politique publique cohérente » est-elle selon vous en bonne voie ?

Quelles suites ont, à votre connaissance, été apportées aux recommandations de ces rapports par le ministère de la justice ?

Enfin, quelles sont selon vous les priorités du déconfinement en termes de traitement des violences ? Je pense par exemple au dépôt de plaintes plus nombreuses ou à la prise en charge des auteurs de violences.

La justice sera-t-elle selon vous en mesure d'absorber les nouveaux cas liés au confinement, après quasiment deux mois d'interruption ?

Dernière question : que pensez-vous de la mise en place d'un parquet spécialisé dans les violences conjugales, comme c'est le cas pour le terrorisme et comme l'ont suggéré certains des experts que nous avons récemment entendus ?

Après votre intervention, nous aurons un temps d'échanges avec mes collègues.

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