Intervention de François Molins

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 11 juin 2020 : 1ère réunion
Audition de M. François Molins procureur général près la cour de cassation

François Molins, procureur général près la Cour de cassation :

Par définition, la loi n'est jamais suffisante. Même si elle est extrêmement bien élaborée, nous savons tous que le diable se cache dans les détails et que sa réussite dépend aussi de son application. Combien de fois avons-nous vu des textes devoir repasser devant le Parlement, car leur application avait posé des difficultés que l'on n'avait pas soupçonnées avant ! En outre, même si cette application ne suscite pas de complexités normatives, elle doit nécessairement s'accompagner d'une réflexion autour de l'organisation nécessaire à sa mise en oeuvre. Une chasse aux angles morts est nécessaire. Souvent, ce qui doit être corrigé relève de la mise en oeuvre organisationnelle plus que de modifications législatives. C'est donc la qualité du texte, d'une part, le volontarisme et le soin apporté à sa mise en oeuvre, d'autre part, qui permettront de traiter les situations et de résoudre les difficultés.

La justice souffre d'un problème de moyens, tout le monde en convient ; quand on ne dispose pas des moyens pour tout faire, on priorise ! Les contentieux liés aux violences au sein du couple constituent d'évidence des contentieux prioritaires. Cela commence à entrer dans les esprits. Grâce, notamment, à la forte mobilisation des procureurs généraux sur le sujet depuis l'automne 2019, la culture de la protection des victimes se développe. Pour autant, certaines réponses apportées sont encore mauvaises, comme les mesures de médiation, qui doivent absolument être interdites.

Je suis mal à l'aise sur la question des violences psychologiques. Pour moi, il y a, dans ce domaine, un effort de formation à faire, notamment en progressant vers une approche plus interministérielle et interdisciplinaire de ces problématiques, qui permettrait peut-être de contourner les difficultés liées à la charge de la preuve.

La question des stages de sensibilisation renvoie à celle des moyens. Les réponses alternatives aux poursuites, dont font partie ces stages, constituent forcément des réponses quelque peu dégradées au regard d'un passage devant un procureur, puis devant un tribunal. Mais elles ont le mérite d'exister ! Cela étant, elles doivent être cantonnées à des faits que je qualifierais de véniels. Ainsi un fait grave, même commis pour la première fois, doit se traduire par une mise en garde à vue et un défèrement au parquet.

S'agissant de l'autorité parentale, j'ai toujours été opposé aux solutions automatiques. Je les trouve contraires à l'office du juge, qui risque, si elles sont trop fréquentes, de ne plus avoir aucune liberté. Si toute peine devient automatique, cela signifie que l'on pourrait se passer du juge ! Ma culture et mon expérience professionnelle me font donc considérer qu'il est bien de laisser au juge la possibilité de statuer. Il me semble que celui-ci doit pouvoir modifier l'exercice de l'autorité parentale d'une personne mise en cause pour des faits de violence, mais qu'il faut aussi lui laisser la capacité de décider, ou non, d'utiliser cette possibilité.

Au-delà, on peut peut-être aussi travailler à une évolution de la culture des magistrats. Comme je le disais, chaque magistrat changeant de fonction doit désormais recevoir une formation de trois semaines mise en place par l'ENM et, au cours de celle-ci, suivre un module obligatoire sur le traitement des violences au sein du couple. Je crois beaucoup à de tels dispositifs, qui peuvent permettre à mes collègues d'ouvrir les yeux sur certains phénomènes et évoluer dans leurs pratiques professionnelles.

Enfin, je garde effectivement des contacts dans le métier. À Nantes, j'en ai, non pas avec des parquetiers, mais avec le siège. Je sais que, là aussi, des initiatives intéressantes sont menées. Toutefois, n'ayant que des contacts partiels, je ne peux vous apporter une vision globale et fiable des expérimentations menées sur le terrain.

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