Intervention de François Molins

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 11 juin 2020 : 1ère réunion
Audition de M. François Molins procureur général près la cour de cassation

François Molins, procureur général près la Cour de cassation :

Je ne saurais dire si les enquêtes de victimation sont en nombre suffisant ou pas. Mais elles sont toujours intéressantes et nous permettent d'apporter des réponses plus pertinentes.

Cette question me renvoie surtout à une remarque plus personnelle tirée de mon appréhension de ce type de situations : à mon sens, l'évaluation personnalisée des victimes d'infractions graves, mise en place dans le cadre de la transposition d'une directive européenne lorsque Mme Taubira était garde des sceaux, doit être systématique dans le contentieux des violences au sein du couple. Elle permet de mieux apprécier la problématique de la victime et de déterminer la prise en charge la plus appropriée. Pour reprendre des propos précédents, la justice est toujours un traumatisme, même pour la victime, car du fait de la dynamique de charge de la preuve sa parole ne suffit pas nécessairement pour obtenir des sanctions. De ce fait, il est tout à fait intéressant de pouvoir envisager une prise en charge adaptée par le milieu associatif.

Par ailleurs, j'ai toujours eu, personnellement, un problème avec l'idée d'un caractère « obligatoire » de la plainte ; j'ai toujours craint que, en l'imposant systématiquement, on ne passe à côté de certaines situations si la victime ne veut pas porter plainte. Certes, il faut tout faire pour convaincre ces personnes de porter plainte mais en cas de refus, la main courante peut avoir du sens, à la condition que le policier ou le gendarme qui la recueille, s'il constate par exemple des traces physiques sur la personne, ait le réflexe d'avertir le procureur, qui sera fondé à engager une procédure d'office. Face à ce type de situations, nous disposons d'un moyen, d'ailleurs utilisé par nombre de parquets : exiger la communication des mains courantes. Les regarder systématiquement permet d'éviter que des situations échappent à la justice. Bien sûr, cela donne du travail, mais ces informations permettent d'alimenter utilement les procédures.

Je n'ai pas de retours particuliers concernant l'âge du consentement pour les mineurs et ne suis donc pas en mesure de vous apporter un éclairage sur ce sujet. Je ne peux pas non plus vous répondre s'agissant du Fijais.

Au sujet des conjoints violents passant d'un ressort à un autre, nous travaillons aujourd'hui avec une application, Cassiopée, permettant d'avoir une vue panoramique de toutes les procédures établies contre une personne, même sans poursuite, indépendamment du lieu où elles ont été établies. Les procureurs ont donc accès à tous ces éléments au quotidien et les prennent en compte.

Pour répondre à une autre question concernant les plaintes, je vous rappelle, d'une part, qu'un procureur peut toujours poursuivre, même si la victime refuse de porter plainte, et qu'il peut aussi décider du maintien d'une poursuite en cas de retrait de la plainte.

Enfin, la problématique de la sensibilisation et de la prévention dépasse très largement le périmètre du juge et de la justice. Elle renvoie à des enjeux d'éducation. Il y a déjà beaucoup à faire, à l'école, sur les thèmes de l'égalité entre femmes et hommes, de la représentation des rôles assignés aux genres, du respect et de la dignité : nous pourrions, dans ce domaine, nous inspirer de ce qui se pratique dans certains pays, notamment dans le nord de l'Europe.

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