Intervention de Max Brisson

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 11 juin 2020 : 1ère réunion
Audition de M. François Molins procureur général près la cour de cassation

Photo de Max BrissonMax Brisson :

Je voudrais tout d'abord vous remercier, Monsieur le procureur général, pour la précision de vos réponses. Vous nous parlez sans « langue de bois » : c'est vraiment très appréciable.

Je regrette vraiment que cet échange n'ait pu avoir lieu avant la séance publique du 9 juin dernier. Nous aurions eu encore plus d'arguments pour conforter notre point de vue. Peut-être aurions-nous ainsi, d'ailleurs, suscité encore davantage d'agacement ! Vous nous apportez des précisions utiles : comme il y aura très certainement d'autres textes sur les violences, nous aurons ainsi l'occasion de nous exprimer et, peut-être, d'agacer encore une fois !

Je voudrais, Monsieur le procureur général, vous remercier des propos affirmés que vous avez tenus sur le décret qui a fait polémique cette semaine, et en particulier sur le délai de 24 heures qui nous paraît intenable pour une victime. Ce décret semble vider de sa portée la loi du 28 décembre 2019 : l'auteur de la proposition de loi initiale, Aurélien Pradié, l'a fait valoir avec force au cours de la séance de questions au Gouvernement de l'Assemblée nationale, le 9 juin 2020.

Vous avez indiqué votre opposition à la notification de l'ordonnance de protection par les services de police ou de gendarmerie. N'est-ce pas pourtant la seule solution pour que cette démarche ne coûte rien à la victime et pour que cette procédure soit effectuée dans le délai de six jours qui répond à la volonté du législateur, et qu'évoquait tout à l'heure Roland Courteau ? Vous avez d'ailleurs, dans votre réponse à la question de notre collègue, nuancé votre propos initial car il y a un équilibre à trouver entre le respect de l'urgence souhaitée par le législateur et le bon déroulement de la justice.

On peut regretter que le décret en question exclue cette possibilité de recours aux forces de police ou de gendarmerie, alors même que la victime pourrait n'avoir pas d'autre possibilité.

La France ne pourrait-elle pas, Monsieur le procureur général, imiter l'exemple espagnol, fondé sur des juridictions spécialisées dotées des compétences du civil et du pénal ? Nous avons vu dans ce pays le recul spectaculaire du fléau que constituent les violences faites aux femmes.

Je voudrais revenir par ailleurs sur la question de l'autorité parentale, source de débats dans notre hémicycle mardi dernier. Cette notion marque incontestablement l'arrière-plan historique de notre droit de la famille : dans ce contexte, on ne peut pas reprocher au juge d'être réticent à priver un parent violent de l'autorité parentale et de penser qu'un père violent peut être, malgré tout, un bon père. Pourtant, si notre héritage est marqué par cette logique, la société évolue. Je comprends qu'il faille respecter la liberté d'appréciation du juge, mais le Parlement est là pour faire en sorte que le droit évolue parallèlement à la société dans laquelle nous vivons. L'arrière-plan historique qui nous imprègne - je le dis sous le portrait du roi Saint Louis qui rendait la justice sous un chêne - ne doit pas justifier l'immobilisme.

Je terminerai avec la question des bracelets anti-rapprochement. Il semble qu'il existe des difficultés pour le déploiement de cet outil. Avez-vous des informations sur ce point, Monsieur le procureur général ?

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