Mes chers collègues, à l'initiative de notre Présidente, Anne Chain-Larché, Élisabeth Lamure, en tant que présidente de la délégation aux entreprises, Fabien Gay et moi-même avons travaillé ensemble depuis le début du confinement afin d'analyser les impacts de la crise du Covid-19 sur les PME, le commerce et l'artisanat. Nous avons aussi intégré dans notre analyse les professions libérales, les indépendants et les autoentrepreneurs. Ce sont autant d'activités qui ont été touchées immédiatement par la crise et nos travaux ont visé à proposer des mesures à la fois de soutien et de relance pour ces acteurs et secteurs essentiels à la vie de notre pays.
Nous avons entendu une grande partie des acteurs économiques : de nombreuses fédérations professionnelles, des syndicats de salariés, des syndicats patronaux, le réseau des chambres de commerce, celui des chambres des métiers et de l'artisanat, des unions commerciales, des commerçants directement, bref tous ceux qui composent et animent le tissu commercial et artisanal de nos territoires.
Le constat est sombre, et l'avenir économique incertain, ce qui justifie à nos yeux un plan de relance ambitieux.
Quatre grands thèmes structurent le plan de relance que nous vous proposons. Anne Chain-Larché nous parlera du soutien au commerce de proximité, Élisabeth Lamure développera les problématiques de numérisation des PME, Fabien Gay vous présentera nos mesures concernant l'artisanat, et moi-même je vais maintenant vous restituer nos travaux sur le soutien immédiat à la trésorerie et aux fonds propres des PME.
Nous avons bien entendu tous conscience de la violence du choc économique qu'a représenté le confinement pour nombre de PME, et particulièrement pour le secteur du commerce. Hors commerces alimentaires, nous pouvons grosso modo dire que tous les commerçants ont fermé boutique pendant deux mois ; tout juste ont-ils pu atténuer la baisse de l'activité par des ventes à emporter, mais très peu de commerçants ou artisans ont pu se saisir de cette possibilité. L'activité du secteur marchand a ainsi chuté de 50 % en avril et encore de 39 % en mai, et les dépenses de consommation se sont effondrées de 70 % dans la catégorie « commerce et réparation d'automobiles ». Ces chiffres vertigineux, inimaginables il y a encore quelques mois, ont et auront des conséquences profondes, durables, dramatiques, si les mesures de soutien et de relance ne sont pas à la hauteur.
Au-delà des chiffres macroéconomiques sur la baisse du PIB, il convient de regarder dans le détail des secteurs pour réaliser ce qu'ont enduré nos commerçants : en Île-de-France, 87 % des commerces de proximité ont été concernés par des mesures de fermeture administrative. En France, 50 % des artisans étaient fermés sur décision administrative et un quart l'était, de fait, même s'ils étaient autorisés à ouvrir, soit trois quarts d'artisans fermés !
Derrière ces chiffres, ce sont des hommes et des femmes, des entrepreneurs, des salariés, des fournisseurs, des sous-traitants, des clients, qui n'ont eu aucune recette pendant deux mois, et qui continueront de lutter pour leur survie, peut-être en vain, pendant les mois à venir.
Mes chers collègues, la fin du confinement ne rime bien entendu pas avec retour à la normale. La restauration en est bien sûr l'exemple le plus typique.
Mais au-delà de ce secteur, c'est l'ensemble des commerçants, artisans et, plus largement, des centaines de milliers de PME, qui vont continuer à affronter de redoutables difficultés : le pouvoir d'achat va diminuer du fait de la hausse du chômage ; la confiance des ménages est atteinte et il y a tout à parier que dans ces temps d'incertitude, les 80 milliards d'euros d'épargne forcée se transformeront en épargne de précaution ; les chaînes d'approvisionnement sont désorganisées ; les faillites pourraient se multiplier du fait du « mur de la dette » auquel les entreprises vont se heurter ; des compétences vont venir à manquer.
Si nous avons jugé utile de mentionner ces nuages sombres qui s'amoncellent à l'horizon, c'est car il nous paraît indispensable de rappeler que tout le travail de soutien accompli pendant le confinement se révélerait inutile si les béquilles étaient retirées trop vite et si l'aide publique ne se concentrait désormais plus que sur les secteurs encore interdits d'accueil au public.
Les mesures de soutien, pendant le confinement, ont plutôt bien rempli leur rôle. Force est de constater que la combinaison de l'activité partielle, des PGE, du Fonds de solidarité et des reports de charges ont permis d'éviter des faillites immédiates. Mais elles ne doivent pas nous laisser penser qu'une faillite évitée en avril est une entreprise qui survit en juin. Considérer le 11 mai comme un retour à la normale reviendrait à commettre une cruelle erreur d'interprétation.
Les mesures de soutien spécifiques à certains secteurs (exonérations de charges, maintien du chômage partiel, élargissement du Fonds de solidarité), aussi légitimes soient-elles, ne sauraient donc se limiter aux entreprises interdites d'accueil du public, et ainsi introduire une inégalité de traitement, alors que d'une part, de nombreux secteurs dépendent en tout ou partie de ces entreprises (les brasseurs vis-à-vis des restaurateurs, par exemple, mais aussi le commerce de gros) ; d'autre part, une partie des PME autorisées à rouvrir va continuer d'enregistrer des baisses d'activité de plus de 50 % durant les mois à venir, soit du fait du recul de la demande ou de la limitation de la capacité d'accueil de la clientèle, soit car des maillons de la chaîne d'approvisionnement ont disparu ou sont désorganisés.
C'est pourquoi nous proposons de faire bénéficier l'ensemble des petites entreprises en fortes difficultés de la prolongation et de l'élargissement des aides prévues. Il faut abandonner la logique purement sectorielle, qui n'a pas grand sens et fait fi des réalités du terrain, et lui privilégier une logique fondée sur la baisse d'activité. Si un restaurateur souffre, ses fournisseurs aussi. Or ces derniers sont aujourd'hui exclus des plans de soutien... Nous proposons donc de maintenir le Fonds de solidarité jusqu'au 31 décembre pour toutes les entreprises éligibles enregistrant toujours plus de 50 % de baisse du CA et d'inclure dans les aides spécifiques annoncées aux secteurs interdits d'accueil du public les entreprises « en amont », les fournisseurs, dont plus de 40 % de l'activité dépend de ces secteurs.
Nous considérons également que les critères d'éligibilité au Fonds de solidarité continuent d'être trop restrictifs, bien que le Gouvernement ait plusieurs fois revu sa copie sur le sujet. Nous proposons donc de l'ouvrir aux entreprises de plus de 20 salariés, réalisant jusqu'à 2 millions d'euros de chiffre d'affaires et 100 000 euros de bénéfice imposable et de supprimer l'obligation d'employer au moins un salarié ou de s'être vu refuser l'octroi d'un PGE pour bénéficier du « 2e étage » du Fonds.
Toujours dans la logique de ne pas retirer les béquilles trop vite, nous demandons la prolongation jusqu'au 31 décembre de l'activité partielle pour les PME qui continuent d'enregistrer de lourdes pertes d'exploitation (par exemple, une baisse de 50 % de l'activité).
Enfin, l'enfer pouvant être pavé de bonnes intentions, les mesures de soutien durant le confinement risquent de dégrader la solvabilité des entreprises. Nous proposons donc de renforcer les fonds propres des TPE-PME via des prêts participatifs ou des obligations convertibles, en lien avec les régions, afin d'assurer leur développement et leur capacité d'investissement. Les modalités d'attribution de ces prêts devraient être centrées sur le niveau de difficultés rencontrées par les PME candidates et les modalités de remboursement de ces prêts devraient prévoir un décalage des premières annuités afin de privilégier la restauration de la trésorerie des PME.
Pour qu'un plan de relance fonctionne, encore faut-il qu'il y ait des entreprises à relancer. Voilà donc, mes chers collègues, un ensemble de mesures ambitieuses propres à éviter les faillites dans les six mois à venir. Je laisse maintenant la parole à Élisabeth Lamure afin d'aborder les mesures de relance qui concernent la numérisation des PME.
Je vous remercie de votre attention.