Mes chers collègues, je souhaite évoquer la question de la numérisation des PME, TPE et des commerces qui est un enjeu essentiel de leur développement et de leur capacité à se moderniser et à conquérir de nouvelles parts de marché. Il est désormais impossible de faire sans, et les commerçants et artisans qui n'ont, par exemple, aucune visibilité sur internet le payent d'un prix de plus en plus élevé.
Un plan de relance à destination des PME, et en particulier des commerçants, ne peut donc faire l'économie d'un volet spécifiquement dédié à la transition numérique. En effet, non seulement les entreprises qui refusaient de prendre ce virage étaient souvent déjà pénalisées avant la crise, mais il y a tout à parier qu'elles le seront encore plus demain, car les habitudes de consommation évoluent rapidement. Cette crise l'a d'ailleurs montré. Une partie des consommateurs, qui jusqu'à présent étaient réticents à acheter en ligne, par exemple, a désormais testé cette possibilité, pendant le confinement.
Certes la part du commerce électronique ne représente que 10 % du commerce en détail, mais sa progression est fulgurante, et aujourd'hui rien ne semble devoir la ralentir. En outre, les 90 % de ventes en magasin masquent le fait que dans de nombreux cas, le client a d'abord consulté le catalogue de produits en ligne, avant de se rendre en magasin.
Si besoin était, la crise est donc venue, entre autres, illustrer la nécessité vitale pour les commerçants d'être visibles sur internet et de proposer des ventes en ligne. En effet, face à l'interdiction d'accueil du public, les seules entreprises qui ont pu compenser - légèrement - leurs pertes de chiffre d'affaires sont celles qui ont procédé à des ventes en ligne.
D'après la Fédération du commerce et de la distribution, la mise en place de click and collect par les enseignes non-alimentaires a ainsi permis d'assurer en moyenne 25 % de leur chiffre d'affaires habituel. Hors période de crise, le commerce en ligne permet un surcroît de vente ; nous voyons désormais qu'en période de crise, il sert d'amortisseur à la chute des ventes.
S'agissant du drive, habituellement utilisé essentiellement par les enseignes alimentaires, en réponse à la chute drastique de l'activité, des commerces non-alimentaires se sont rapidement approprié ce canal de ventes : par exemple, des enseignes de bricolage, d'habillement, de sport, d'articles culturels, ont trouvé dans le drive un moyen de continuer, même modérément, leur activité. La proportion de ventes réalisées diffère selon les enseignes, mais elle semble atteindre environ 20 à 25 % du chiffre d'affaires en temps normal.
Si la crise a modifié le rapport de certains consommateurs au commerce en ligne, elle a également entraîné des évolutions du côté de l'offre. L'appropriation par les commerçants des outils numériques est donc urgente. Un Français sur cinq a acheté une nouvelle catégorie de produits en ligne pendant le confinement. Ce ratio est d'un sur quatre pour la tranche des 25-34 ans.
Le commerce en ligne n'est pas un concurrent direct de nos commerçants traditionnels, qu'il faudrait combattre et tenter d'étouffer. Il est complémentaire du magasin physique, agrandit leur zone de chalandise, leur permet d'engranger de nouvelles commandes et, in fine, augmente donc leur chiffre d'affaires.
Or le constat est amplement documenté : les PME françaises sont insuffisamment numérisées, du fait entre autres d'une politique publique qui les oublie trop souvent.
Le rapport de notre collègue Pascale Gruny, fait au nom de la délégation aux entreprises en juillet 2019, notait ainsi que 7 consommateurs sur 10 achètent et paient en ligne, alors que seule 1 PME sur 8 fait usage de solutions de vente en ligne. 45 % des dirigeants de PME et d'ETI n'ont pas de vision pour leur entreprise en matière de transition numérique et 20 % considèrent même que « le temps de la transformation numérique n'est pas venu ».
Cette vision a sans doute évolué avec la crise, et nous considérons que relancer ces secteurs de proximité sans les adapter aux nouvelles formes du commerce reviendrait à verser de l'argent public dans un tonneau percé.
La relance doit être l'occasion de moderniser ces entreprises, afin de pérenniser à long terme le tissu économique, notamment des centres-villes. Autrement, commerçants et artisans auront survécu au confinement mais sans perspective de développement, puisque les consommateurs privilégieront les solutions numériques ou les enseignes multipliant les supports et les canaux d'interaction avec leurs clients (téléphone, ordinateur, tablette, vente physique, etc.).
C'est pourquoi nous proposons de mettre en place un « crédit d'impôt à la numérisation des PME » à destination des chefs d'entreprise et des salariés, prenant en charge notamment une partie des dépenses de formation, d'équipement, de création de site internet et de services annexes.
Nous appelons également à généraliser le déploiement à l'échelle nationale d'une plateforme numérique qui permettrait le référencement des commerçants et artisans qui le souhaitent, la publicité de leur catalogue de produits et services, et leur permettrait de procéder à des ventes en ligne. Une telle plateforme, appelée Achatville, existe déjà et a été créée par les CCI, mais elle n'est disponible que dans 29 départements.
Par ailleurs, de façon plus générale, il nous semble important de financer via Bpifrance des autodiagnostics sur le degré de numérisation de l'entreprise et, pour les dirigeants d'entreprise comme pour les salariés, des formations en ligne. Ces formations leur permettraient de mieux appréhender le fonctionnement du référencement sur internet, leurs droits et devoirs à l'égard des plateformes de commerce électronique ainsi que les modalités logistiques de la vente en ligne.
Enfin, je vous informe que je viens, avec Patrick Chaize, président du groupe « numérique » du Sénat, de déposer une proposition de loi pour renforcer la concurrence sur le marché de gros des télécoms et ainsi faciliter l'accès des PME et TPE à la fibre optique. Cet accès doit être efficient et à un prix raisonnable sur l'ensemble du territoire. C'est évidemment une condition préalable à leur numérisation. J'espère que nous pourrons bientôt l'examiner en séance.
Mes chers collègues, je cède la parole à Anne Chain-Larché.