Intervention de Anne Chain-Larché

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 juin 2020 à 9h35
Présentation des plans de relance dans les domaines des pme du commerce et de l'artisanat du logement de l'urbanisme et de la politique de la ville par les pilotes en charge des cellules de veille de contrôle et d'anticipation des secteurs correspondants

Photo de Anne Chain-LarchéAnne Chain-Larché :

Mes chers collègues, je vais me pencher plus particulièrement sur les commerces de proximité.

Ce n'est pas nouveau : le commerce de proximité est fragile d'un point de vue financier (sa capacité d'endettement et d'investissement est faible) et d'un point de vue commercial car il fait face à plusieurs types de concurrence, notamment en raison de son insuffisante numérisation, comme vient de l'indiquer Élisabeth Lamure.

Ce qui n'est pas nouveau non plus, c'est l'absolue nécessité de le soutenir. Bien sûr, la crise a touché l'ensemble des secteurs. Mais durant le confinement, nous avons tous pu faire l'expérience de ces dizaines de rideaux baissés ou de ces petits commerces alimentaires certes ouverts mais vides. Nombre d'entre eux ne rouvriront jamais. Pour eux, comme pour d'autres, l'activité a été inexistante, mais les difficultés ont été et sont toujours bien réelles. Le commerce de proximité fait en outre face à un paradoxe inquiétant : il progresse chaque année en termes de mètres carrés mais son chiffre d'affaires moyen diminue progressivement. La crise ne peut donc qu'accentuer cette baisse.

Il nous semble important de rappeler que le commerce de proximité, loin de se réduire à une activité de vente ou de prestation de services, joue avant tout un rôle social fondamental, alliant contacts humains, conseils au client, valorisation et maintien de savoir-faire précieux, animation des principaux lieux de vie et de socialisation. Il ne s'agit donc pas seulement d'un pan objectivement important de l'économie qui risque de s'effondrer sous le poids des faillites : il s'agit, aussi, d'une façon de vivre appréciée, de coutumes et de traditions, d'occasions de socialisation, d'animation des lieux de vie collective, de mélanges de relations marchandes et personnelles.

De nombreuses études, notamment au Sénat sous la houlette de Rémy Pointereau et de Martial Bourquin, portant sur la dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs, mettent l'accent sur le fait que le déclin d'une commune est fortement accéléré, si ce n'est initié, par l'atrophie de son activité commerciale et artisanale.

Or les chiffres sont connus : la vacance commerciale gagne en moyenne un point par an depuis le début des années 2010. En moyenne, le taux de vacance commerciale atteint environ 11 % dans le coeur des agglomérations urbaines de plus de 25 000 habitants. Surtout, le nombre de communes qui présentent une situation très défavorable, avec un taux de vacance supérieur à 10 %, a explosé. Cette situation touche en outre inégalement les communes, puisque si 55 % des villes moyennes ont un taux supérieur à 10 %, seulement 27 % des grandes villes sont dans cette situation.

La relance du commerce de proximité est certes un enjeu économique, mais avant tout une nécessité vitale d'un point de vue sociétal, un atout fondamental de l'aménagement du territoire. C'est aussi une question d'égalité entre habitants.

Ce commerce de proximité est pourtant bien souvent le premier touché lors d'évènements - disons remuants - comme ces dernières années l'ont montré. Durant la crise des gilets jaunes, les PME des centres-villes avaient enregistré une baisse de 30 % de leurs ventes, durant près de trente samedis consécutifs, et de 20 % environ le reste de la semaine en raison de l'évitement des centres-villes par les consommateurs, comme l'a montré le rapport de notre collègue Évelyne Renaud-Garabedian l'an dernier. L'impact sur le commerce s'est révélé d'autant plus fort que la période durant laquelle ces évènements se sont déroulés incluait les soldes d'hiver, Noël, Nouvel-An et Pâques. Cette année encore, le commerce de proximité est privé des ventes liées à Pâques, à la saison touristique, aux week-ends prolongés du mois de mai. Par ailleurs, les mouvements sociaux fin 2019 ont impacté les commerçants à l'échelle nationale (- 4 % des ventes en décembre) et plus particulièrement en Île-de-France (- 18 % à Paris).

C'est pourquoi nous proposons plusieurs mesures afin de soutenir et relancer ce commerce de proximité. Il s'agit d'une priorité pour nos territoires.

Tout d'abord, il est important de rappeler que des instances de concertation, réunissant l'ensemble des parties prenantes, existent pour anticiper et préparer l'avenir du commerce de proximité, à l'image de la 3C, la Commission de concertation du commerce. Ses travaux sont malheureusement insuffisamment médiatisés, alors même qu'elle permet d'élaborer des constats partagés et de proposer des mesures concrètes afin de développer la compétitivité et l'innovation de ce secteur. Nous appelons donc le Gouvernement à davantage s'appuyer sur ses travaux, à les médiatiser et à la consulter de façon systématique sur les politiques publiques mises en oeuvre en la matière. La nécessité absolue de médiatiser ces sujets est relevée dans chaque branche des commerces de proximité. Hier, avec Pierre Cuypers et Claudine Thomas, nous avons été à la rencontre de l'Union des métiers et industries de l'hôtellerie d'Île-de-France qui relayait également l'insuffisante médiatisation de notre savoir-faire.

Surtout, il nous semble que la réalité n'a jamais aussi bien démontré au Gouvernement combien il était contre-productif de vouloir supprimer le Fisac. Il est temps d'en finir avec les annonces successives de sa disparition et d'augmenter au contraire fortement sa dotation. Les élus locaux, qui doivent être mieux associés à ces décisions, sont les mieux placés pour identifier et valider les projets commerciaux et artisanaux porteurs de valeurs, de sens, d'utilité, dans leurs collectivités.

Il nous paraît également nécessaire d'engager un plan de communication nationale afin de sensibiliser les consommateurs à l'importance du commerce de proximité, en partenariat avec le réseau consulaire. Ces campagnes ont souvent bien fonctionné par le passé, les professionnels constatant une modification des habitudes de consommation dans les mois qui suivent. C'est ce qui s'est passé, par exemple, à Paris avec la campagne « J'aime mon commerce » lancée par la CCI.

Enfin, nous suggérons d'abaisser le taux de TVA à 5,5 % pour les secteurs les plus touchés, afin de redonner un peu de pouvoir d'achat aux ménages et de permettre aux entreprises de reconstituer quelque peu leurs marges.

Voilà, mes chers collègues, trois mesures qui nous semblent devoir être mises en oeuvre de toute urgence afin que le commerce de proximité sorte renforcé de cette crise.

Je vous remercie.

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