Intervention de Fabien Gay

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 juin 2020 à 9h35
Présentation des plans de relance dans les domaines des pme du commerce et de l'artisanat du logement de l'urbanisme et de la politique de la ville par les pilotes en charge des cellules de veille de contrôle et d'anticipation des secteurs correspondants

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Avant de présenter nos propositions sur l'artisanat et sur l'apprentissage, je souhaite dire quelques mots d'introduction. Nous étions le groupe de travail présentant, sans doute, la plus grande diversité sur le plan idéologique et politique. Malgré nos différences, nous avons pris grand plaisir à travailler ensemble. Nous avons réussi à nous écouter et à proposer des amendements communs, ce qui me permet de rejoindre 99 % des conclusions du rapport ! Nos débats ont permis à chacun de faire un pas vers l'autre pour identifier des propositions communes. Je n'ai pas retrouvé la même capacité d'écoute du côté du Gouvernement. Ce positionnement est la marque de fabrique du Sénat. Nous aurons certes des points de désaccord avec la majorité sénatoriale sur le plan de relance économique, par exemple, mais ce travail commun montre que nous pouvons nous mettre d'accord sur un certain nombre de sujets. « L'artisanat, première entreprise de France », est un slogan bien connu et correct à bien des égards. Il repose en grande partie sur l'apprentissage, qui est un excellent moyen de s'assurer, d'un point de vue économique, un bon appariement sur le marché du travail entre la demande et l'offre. L'apprentissage permet de s'assurer que les entreprises disposeront des compétences qu'elles recherchent, qu'elles ne buteront pas sur des problèmes de recrutement, ce qui est un comble lorsque le taux de chômage est d'environ 10 %. Malheureusement, nous voyons aujourd'hui que le chômage pourrait augmenter encore dans les mois à venir.

Surtout, l'apprentissage est un atout essentiel pour des milliers de jeunes, entre 16 et 25 ans environ, de tous milieux sociaux, qui trouvent ainsi un moyen de financer partiellement leurs études et, avant tout, de trouver un emploi dès la sortie de la formation.

Plusieurs études l'attestent : les performances économiques de l'Allemagne, notamment industrielles, sont, en partie, liées au fait qu'elle a bien plus développé l'apprentissage que la France. Il y a deux ans, près de 520 000 jeunes étaient ainsi apprentis outre-Rhin. En France, c'était 100 000 de moins.

La situation s'est améliorée récemment : début 2020, on comptait environ 490 000 apprentis en France, soit une hausse de 16 %, dont il faut se réjouir, par rapport à 2018. Un nouveau contrat sur cinq l'était dans le secteur du commerce, et tous les niveaux de formations enregistraient une hausse des entrées, cette dernière étant particulièrement forte pour les formations supérieures à Bac+2.

Mais, cette mécanique s'est grippée depuis le début du confinement. L'absence de visibilité sur leur carnet de commandes, sur le niveau d'activité en général, sur leur trésorerie, contraint un nombre significatif d'artisans à renoncer à embaucher des apprentis lors de la rentrée de septembre 2020. Cette situation est particulièrement grave : il ne s'agit pas seulement d'une hausse du chômage, qui à elle seule est déjà une conséquence dramatique de la crise, il s'agit également d'une fragilisation de la capacité de la France à se relever de cette crise. En effet, les contrats non signés en 2020 représentent autant de compétences en moins durant les années à venir. Le déficit de compétences se fera donc sentir précisément au moment où la France tentera de renouer avec une trajectoire positive de sa croissance économique. Le capital humain, c'est-à-dire le savoir-faire, les compétences, la maîtrise technique, est un des principaux facteurs de croissance, au même titre que l'investissement en capital ou le progrès technique ou le modèle social.

Cette situation entraîne en outre des difficultés de financement pour les centres de formation des apprentis, dont la rémunération est indexée sur le nombre de contrats signés depuis la loi Avenir professionnel de 2018. Enfin, il s'agit bien entendu d'une situation particulièrement inquiétante pour les familles, avec la perspective du chômage pour les mois à venir. Il faut rappeler que l'apprentissage concerne toutes les catégories socioprofessionnelles et tous les milieux. Il y a des apprentis en CAP comme en école de commerce, en Bac technologique comme en école d'ingénieur. Ce grand succès de l'apprentissage est justement l'illustration de son utilité.

Face à cette situation, le Gouvernement a annoncé la semaine dernière un ensemble de mesures. La première d'entre elles consiste en un versement d'une aide à l'embauche d'un apprenti à destination de l'entreprise, d'un montant de 8 000 euros si l'apprenti est majeur et de 5 000 euros s'il est mineur. Parallèlement, il a été décidé qu'un apprenti pouvait rester six mois, et non plus trois mois, dans le CFA sans trouver de contrat. Concrètement, il pourra donc y rester jusque fin février 2021.

Les partenaires sociaux ont été écoutés et sont dans l'ensemble satisfaits de ces annonces.

Nous proposons donc de compléter ces mesures du Gouvernement, afin de maximiser leur impact et de s'assurer que l'apprentissage, s'il doit connaître une année de stagnation, n'entame pas de chute.

Tout d'abord, il nous semble utile d'augmenter le montant de l'aide accordée aux entreprises qui embauchent un apprenti mineur. Elle est fixée à 5 000 euros, mais ne permet pas de couvrir l'ensemble des frais engagés par l'artisan. Sans aller jusqu'à une aide de 8 000 euros, comme pour un apprenti majeur, il convient de s'assurer que le coût pour les artisans soit nul la première année, eux qui continuent de faire face à des pertes d'exploitation importantes, notamment dans le BTP ou dans la restauration.

Ensuite, le Gouvernement introduit une rupture d'égalité entre apprentis selon le niveau de leur formation. En effet, l'aide n'est versée que dans les cas où la formation est inférieure au niveau licence Pro. Cette inégalité de traitement est incompréhensible : une entreprise qui embauche un jeune en Master peut également faire face à une chute drastique de son activité (d'autant que les budgets de marketing, de recherche et développement, de communication, sont souvent les premiers à être coupés par les entreprises). Et surtout, un jeune en Master a tout autant besoin d'être embauché à l'issue de sa formation qu'un jeune en Bac Pro, par exemple. Nous proposons donc d'octroyer cette aide, quel que soit le niveau de diplôme préparé.

L'apprentissage passe souvent sous les radars des politiques d'emploi et de formation, d'industrie, alors qu'il est une voie royale vers l'emploi ! Il faut se réjouir qu'une aide lui soit apportée ; mais il ne faut pas s'arrêter au milieu du chemin. Les enjeux sont trop importants pour qu'une partie des entreprises, des jeunes, des formations, soit exclue de ce soutien.

Je vous remercie.

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