Intervention de Joël Labbé

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 juin 2020 à 9h35
Présentation des plans de relance dans les domaines des pme du commerce et de l'artisanat du logement de l'urbanisme et de la politique de la ville par les pilotes en charge des cellules de veille de contrôle et d'anticipation des secteurs correspondants

Photo de Joël LabbéJoël Labbé :

Je souhaite saluer le travail mené par l'ensemble des cellules mais, sur le sujet de l'agriculture, je ne peux pas voter favorablement le plan de relance. Je souhaite le dire avec le plus grand respect. C'est une position personnelle qui ne représente pas la majorité de mon groupe. Je tiens donc à m'en expliquer.

Je commencerai par les points positifs. Les mesures de soutien d'urgence sont d'une impérieuse nécessité et je ne peux que les saluer. Je me réjouis aussi de la volonté de relocalisation de l'alimentation via l'étiquetage obligatoire. Le sujet de la commande publique a suscité des débats mais nous avons réussi à avancer. Les projets alimentaires territoriaux sont également des outils intéressants pour la relocalisation de l'alimentation.

Mais ce plan de relance ne remet pas en question le modèle agricole et alimentaire. Pour moi, nous sommes en train de nous tromper collectivement en soutenant ce modèle quoi qu'il arrive. La France est le premier pays agricole européen. Elle produit plus d'aliments qu'elle n'en consomme. Pourtant, sa dépendance alimentaire s'amplifie. Plus de la moitié des fruits et légumes, un tiers de la viande de volaille, un quart de la viande de porc sont importés aujourd'hui. En termes d'échanges, nos importations ont presque doublé (87 % depuis 2000) et les exportations ont augmenté de 55 %. Est-ce que cette alimentation mondialisée est notre avenir ?

En termes de souveraineté alimentaire, européenne et nationale, cela passe aussi par la souveraineté alimentaire des territoires. L'Inrae vient de démontrer qu'une bonne organisation des circuits courts permettrait de fournir un tiers de l'alimentation des populations des territoires. Ce serait alors une alimentation de proximité dans laquelle l'agriculture biologique a une place importante. L'agriculture biologique est la grande absente de ce plan de relance. C'est pourtant un modèle agricole qui apporte des services environnementaux et qui mérite d'être rémunéré.

Le rapport demande un troisième pilier de la PAC pour des paiements pour services environnementaux mais, en fait, pour les initiateurs des paiements pour services environnementaux, la plate-forme « Pour une autre PAC », il faudrait réorienter les crédits de la PAC car on sait qu'il sera impossible de financer un troisième pilier pour promouvoir des modèles plus vertueux, plus respectueux du climat, de la biodiversité, de la qualité de l'eau, de la santé humaine, etc.

En termes de recherche, il est mis l'accent sur la recherche numérique, sur l'innovation technologique, sur l'intelligence embarquée, sur une agriculture de précision. La recherche nécessaire vers l'agro-écologie et l'agriculture biologique n'est pas du tout pointée. L'ITAB n'est doté que d'un budget de 2 millions d'euros à comparer aux 200 millions d'euros dédiés à la recherche agricole appliquée.

Enfin, on ne peut pas parler de souveraineté alimentaire sans sortir des importations de soja d'Amérique du sud notamment. Je regrette que le rapport n'évoque pas le plan national Protéines ni la végétalisation de l'alimentation. Il aurait fallu aussi évoquer la formation pour accompagner de nouvelles personnes vers l'agriculture afin de repeupler nos territoires de paysans qui sont à la base de la vie de nos territoires ruraux.

Je voterai contre car tous ces sujets n'ont pas été pris en compte à mon regret. Un travail conséquent a été mené pour répondre aux enjeux de court terme mais je ne peux pas rejoindre les conclusions sur le long terme.

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