J'en profite pour saluer le travail accompli avec notre collègue Martial Bourquin dont c'est aujourd'hui la dernière réunion en commission des affaires économiques. Je lui souhaite tout le meilleur pour la suite.
Notre second axe vise à renforcer et protéger le capital des entreprises industrielles. Le capital est le déterminant de la gouvernance d'une entreprise, mais aussi de leur capacité de développement ; or, l'industrie française a, en moyenne, moins de fonds propres que ses concurrentes européennes. En outre, nos « pépites » sont prisées des investisseurs étrangers : avant la crise, nous étions la première destination en Europe pour l'investissement. Notre objectif est donc double : permettre aux entreprises industrielles de se développer grâce à un capital renforcé, mais aussi les protéger d'acquisitions « prédatrices ».
Notre première proposition vise à transformer une partie de la dette contractée par les entreprises ces dernières semaines, pour les convertir en quasi-fonds propres ou en dette à long terme. Alors que leur trésorerie a été mise à rude épreuve, elles ont eu recours au prêt garanti par l'État ou à des crédits bancaires. Mais ce nouvel endettement sera un poids durable au bilan des entreprises, surtout pour les PME industrielles déjà fortement endettées. Il empêchera d'investir et compliquera l'accès aux marchés bancaires. Nous proposons donc de convertir une partie de cet « endettement Covid » en quasi-fonds propres ou en dette à long terme. Cela pourrait se faire soit à l'échelle de l'entreprise, soit via un fonds en partie public qui reprendrait ou titriserait ces créances.
Deuxièmement, nous souhaitons intensifier temporairement le contrôle de l'investissement étranger. Nos entreprises sont actuellement vulnérables. Il faut à tout prix éviter que leurs concurrents profitent de cette faiblesse pour faire main basse sur nos atouts industriels, comme cela avait été le cas lors de la crise financière de 2008. Nous proposons donc, temporairement, d'abaisser le seuil qui soumet les opérations d'investissement à contrôle préalable, le portant à 10 % contre 25 % aujourd'hui. Le maillage de ce contrôle en sera renforcé et contribuera à éviter les transferts de savoir-faire et de technologie.
Enfin, il nous apparaît nécessaire de renforcer les fonds d'investissements français en fonds propres qui associent acteurs publics et acteurs privés. De tels fonds existent de longue date, notamment à l'échelle régionale ou auprès de Bpifrance dans le secteur automobile ou aéronautique. Lorsque des acteurs nationaux se mobilisent sur le long terme pour renforcer le capital d'entreprises industrielles prometteuses, on voit que leur performance en est améliorée, qu'elles se développent et qu'elles embauchent. Le partenariat public/privé permet une plus grande force de frappe, et contribue à développer la solidarité de filière. Nous voulons donc renforcer les initiatives telles que le Fonds avenir automobile et un « Aerofund IV », et nous nous félicitons que le Gouvernement soit allé dans ce sens lors des dernières annonces relatives au secteur aéronautique et automobile.
Notre troisième axe a pour objet de poursuivre la réindustrialisation et d'encourager la relocalisation industrielle. Nous avons déjà débattu en commission de ce sujet : il ne sera probablement pas possible ni souhaitable de « tout » relocaliser. Mais il faut remettre l'accent sur l'amélioration de notre compétitivité, l'égalisation des conditions concurrentielles, et faciliter les choses pour les industriels qui souhaiteraient se réimplanter sur notre territoire.
D'abord, nous proposons d'offrir aux territoires une « boîte à outils » pour encourager la relocalisation. Les collectivités territoriales et les préfets devraient disposer d'outils incitatifs pour faciliter les projets de réimplantation - à défaut des 2 milliards mobilisés par le Japon pour relocaliser son industrie... Par exemple, on peut imaginer des dérogations au droit de l'urbanisme et aux délais applicables ; des articulations avec les pôles de compétitivité ; ou encore certains leviers d'incitation fiscale comme un « bonus » de crédit d'impôt recherche conditionné au maintien de l'activité en France, ou une entrée progressive dans l'impôt de production. Le programme « Territoires d'Industrie » pourrait constituer le cadre approprié pour déployer cette « boîte à outils ». Pour l'instant toutefois, l'État ne semble pas prêt à vouloir dédier de nouveaux moyens à ces « Territoires d'Industrie ».
Deuxièmement, nous souhaitons que le Gouvernement tienne enfin sa promesse de suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Plutôt que d'insister sur une baisse des impôts locaux, qui nous le savons, financent l'aménagement économique du territoire et la politique de développement régional, nécessaires pour encourager la réindustrialisation, il faut plutôt supprimer la C3S, impôt sans équivalent en Europe, qui revient au budget de l'État. Assis sur le chiffre d'affaires, elle pèse de manière disproportionnée sur l'industrie manufacturière. Sa suppression restaurera l'attractivité de la France comme terre de production et encouragera la relocalisation.
Troisièmement, les projets importants d'intérêt européen commun, les PIEEC, doivent être approfondis et multipliés. Il s'agit de projets industriels innovants, mutualisés à l'échelle européenne, qui peuvent bénéficier de financements publics accrus. Il nous apparaît que ces PIEEC sont un outil idéal de réindustrialisation de l'Europe, en traduisant une politique volontariste de reconquête de certains segments abandonnés. Par exemple, la fabrication de batteries automobiles européennes permettra de réduire la dépendance aux producteurs chinois et coréens, de même que le projet relatif à la microélectronique. Nous soutenons notamment la mise en place de PIEEC relatifs à l'hydrogène, énergie d'avenir pour l'industrie, ou encore sur les procédés industriels bas carbone. La France doit s'y investir pour accueillir sur son sol une partie de ces nouvelles filières européennes.
Enfin, nous recommandons de développer la commande publique de produits locaux et nationaux. En l'attente d'un éventuel desserrement du droit européen, qui ne permet pas la mise en oeuvre d'une préférence nationale ou communautaire, les acheteurs publics doivent exploiter toutes les possibilités existantes. Par exemple, le levier des normes européennes, ou encore la prise en compte de l'empreinte carbone - récemment autorisée par la loi « Économie circulaire » - peuvent redynamiser les circuits courts et offrir de nouveaux débouchés à la production nationale.