Toujours sur les mutations du tourisme, il nous apparaît également essentiel d'investir dans le capital humain et la qualité de service. Nous le disons depuis longtemps, mais la crise peut être l'occasion de réaliser ce qui attend depuis des années. Nous avons cité l'Italie à plusieurs reprises. Sa capacité d'accueil et son savoir-faire sont supérieurs aux nôtres.
Dans le seul secteur des hôtels-cafés-restaurants, il y aurait chaque année 100 000 emplois non pourvus. Cela s'explique notamment par la difficulté des conditions de travail, l'absence de perspectives d'évolution professionnelle et parfois une orientation par défaut vers ces carrières. Cela fait des années que le constat est fait, il nous semble temps de lancer un grand chantier de revalorisation des métiers du tourisme et de réfléchir à ce qui pourrait être un statut du saisonnier.
Par ailleurs, la qualité de service est également indispensable pour que les touristes estiment que notre destination, qui est relativement chère sur le marché international, offre un bon rapport qualité-prix. Nous proposons que les professionnels créent, comme en Espagne, un institut de la qualité touristique. Celui-ci s'est trouvé particulièrement précieux quand il s'est agi de définir rapidement des protocoles sanitaires et de mettre en place un label « Safe tourism certified ».
Nous terminons par trois remarques générales pour changer le modèle de la politique du tourisme.
Premièrement, la structure gouvernementale et administrative du tourisme n'est pas à la hauteur - la structure et non le ministre. Le tourisme mérite mieux que d'être balloté entre le Quai d'Orsay et Bercy : il faut, on ne le dira jamais assez, un ministre du tourisme et une administration dédiée !
Par ailleurs, la politique du tourisme est basée sur un indicateur principal, à savoir le nombre de touristes internationaux. Les différents Gouvernements se félicitent d'ailleurs toujours de notre première place mondiale en matière de fréquentation touristique. Mais cela cache également notre faiblesse, à savoir que nous ne sommes que troisième en termes de dépenses des touristes internationaux. Nous sommes donc un géant touristique aux pieds d'argile. Les retombées économiques doivent être la boussole de la politique à l'égard des touristes internationaux.
Enfin, la politique du tourisme ne doit pas exclusivement se préoccuper des touristes internationaux. Les touristes domestiques qui ne partent pas en France constituent un vivier de 25 millions de voyageurs supplémentaires. Poursuivre un objectif de nombre de voyageurs domestiques nous semble nécessaire, car la politique du tourisme doit marcher sur ses deux pieds : touristes internationaux et touristes domestiques ! On voit bien qu'en cas de crise, on ne peut se reposer sur le tourisme international.
En somme, le plan que nous proposons est simple : provoquer un véritable choc d'offre et de demande dès cet été et faire de cette crise une opportunité pour mettre fin aux difficultés structurelles du tourisme français. Contrairement à une idée répandue, le tourisme ne peut pas fonctionner tout seul. Le tourisme est une économie diffuse qui a besoin en permanence de l'action publique, de l'État aux communes en passant par les établissements publics intercommunaux et les régions.
J'insiste également en conclusion sur la communication : l'Italie vend l'Italie. Nous vendons des petits bouts de France. Il faut que nous vendions la France. La marque France a beau avoir été créée, encore faut-il savoir la vendre !
Notre plan coûtera sans doute très cher. Mais nous n'avons pas le choix dans la situation où nous nous trouverons. S'il n'y a plus d'entreprises, il n'y aura plus de recettes fiscales !