Intervention de Christophe Castaner

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 4 juin 2020 : 1ère réunion
Audition de M. Christophe Castaner ministre de l'intérieur : « quelles marges d'action pour les collectivités territoriales en lien avec l'état ? »

Christophe Castaner , ministre de l'Intérieur :

Il n'est pas question pour moi de « jouer le jeu » ; il est normal que je me présente devant vous pour répondre à vos questions. Le parlementaire que j'ai été sait l'importance de ces moments. Je m'y plie par devoir, mais aussi avec plaisir, car, ayant également été maire pendant quinze ans, j'ai conscience du lien unissant les maires et le Sénat. Ce lien s'est exprimé tout particulièrement à l'occasion de la crise sanitaire majeure que nous venons de vivre, crise ayant bouleversé nos quotidiens et demandé autant une réponse forte de l'État qu'une réponse coordonnée avec les collectivités territoriales.

Les derniers mois ont montré au grand jour la complémentarité de nos actions et la pertinence du couple préfet / maire pour répondre, au plus près du terrain, à la situation d'urgence, étant rappelé qu'aux termes de l'article 72 de notre Constitution le préfet représente l'État et les membres du Gouvernement auprès des collectivités territoriales de la République.

C'est le premier enseignement que nous pouvons tirer de la gestion de la crise et, dès la première rencontre avec les associations d'élus, la principale revendication portée par leurs représentants a été de conforter ce couple préfet / maire.

Je voudrais aborder trois points dans mon propos liminaire : le travail accompli avec les collectivités territoriales depuis le début de la crise, la façon dont il a conforté le continuum de sécurité et l'organisation des élections municipales.

Dès les premières heures, j'ai souhaité que les collectivités territoriales, en particulier les maires, soient associées à notre travail. Chaque soir, j'ai présidé des réunions en visioconférence avec les préfets de région et l'ensemble des préfets et, chaque soir, j'ai porté et entendu ce message. À travers ce contact permanent avec les préfets, j'étais en contact avec les élus locaux, pouvant ainsi mesurer les inquiétudes, les attentes, mais aussi la mobilisation et la volonté de faire.

Ce que j'ai pu noter, c'est que le préfet a été identifié, dans ce rapport de proximité, comme une figure d'autorité, capable de délivrer une parole plutôt rassurante et d'organiser le dialogue avec chacun.

Durant la période de confinement, de nombreux maires ont légitiment souhaité prendre des mesures d'interdiction d'accès à certaines zones ou décréter des couvre-feux. J'ai donné systématiquement la même consigne, demandant aux préfets d'accompagner les municipalités et, plus largement, les collectivités territoriales dans leurs démarches, dans le respect du droit et avec efficacité, pragmatisme et souci du dialogue. Cela m'a paru tout à la fois efficient et naturel : c'est bien au niveau local que l'on connaît le mieux le risque et les capacités de réaction face à ce risque.

Pour avoir confirmation de cette méthode, il suffit d'examiner les arrêtés pris à la demande des maires pour des couvre-feux ou des interdictions d'accès. Au-delà des cas largement médiatisés, comme la fermeture de la promenade des Anglais à Nice ou celle des berges de la Seine à Paris, les exemples ont été très nombreux.

Pourtant, rares sont les arrêtés de couvre-feux qui ont été contestés par les préfets et, chaque fois, nous avons mis l'accent sur la coordination. Dans les Alpes-Maritimes, par exemple, à partir du moment où plusieurs maires ont pris de tels arrêtés, j'ai demandé au préfet de prendre un arrêté départemental pour assurer une coordination d'ensemble. Le seul type de mesures que j'ai refusées, ce sont les arrêtés de couvre-feu par quartier : sachant les conséquences que ces décisions pourraient avoir en termes de stigmatisation, j'ai donné une consigne stricte pour que les arrêtés soient toujours pris à l'échelle de la commune et même, plutôt, sur l'ensemble urbain. Il en va de même pour d'autres sujets, comme les ouvertures dérogatoires de marché ou la gestion des cimetières.

Cette relation préfet / maire, particulièrement intense et efficace durant la période de confinement, est tout aussi nécessaire aujourd'hui. C'est le sens de la stratégie arrêtée par le Président de la République et le Premier ministre : permettre une adaptation locale du déconfinement.

Dans une circulaire du 6 mai, le Premier ministre a ainsi demandé aux préfets et aux directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS), de s'appuyer systématiquement sur les élus locaux. Nous avons créé des comités locaux de levée du confinement pouvant réunir État, collectivités territoriales, acteurs économiques et sociaux. J'ai aussi, dès le début de la crise sanitaire, demandé aux préfets qu'ils invitent régulièrement les parlementaires de leur territoire à participer à diverses réunions.

Par ailleurs, à l'occasion de l'évolution du cadre réglementaire de l'état d'urgence sanitaire, le Gouvernement a aussi souhaité que les préfets travaillent en étroite collaboration avec les collectivités territoriales, pour toutes les questions locales.

Ainsi, durant la première phase de confinement, nous nous sommes inspirés de la règle appliquée pour les marchés afin de permettre la réouverture des plages, lacs et bases nautiques : ouverture possible à la demande des maires, sous réserve du respect de certaines règles. Le même principe a prévalu pour l'ouverture de certains musées, monuments ou zoos ou, a contrario, pour l'interdiction d'ouverture de certains marchés ou centres commerciaux.

Depuis la semaine dernière, et l'entrée dans la deuxième phase de déconfinement, je note combien le binôme préfet / maire poursuit sa relation de confiance. Je ne prétends pas qu'il n'y ait eu aucune tension nulle part - ce serait mentir -, mais le système, globalement, a bien fonctionné. Preuve en est : le nombre de fois où j'ai été sollicité par un élu local pour appeler le préfet et lui demander un peu de souplesse a été relativement faible !

Cela a été le cas, aussi, pour l'accompagnement des maires dans la distribution des masques, sujet sur lequel le ministère de l'Intérieur a beaucoup travaillé avec eux. Nous avons notamment assuré la distribution de plus de 700 000 masques aux plus petites communes. L'État a en outre pris en charge et organisé, en collaboration avec les différentes collectivités territoriales, selon leurs compétences, la mise à disposition de 5,3 millions de masques aux publics dits vulnérables et de 1,2 million de masques aux personnels de la petite enfance.

Vous l'avez compris, la relation de confiance qui s'est nouée avec les collectivités locales durant le confinement, et qui perdure aujourd'hui, a permis de mettre en lumière les vertus de ce travail en commun.

C'est valable aussi pour les questions de sécurité et, en particulier, pour le continuum de sécurité. La complémentarité entre l'action des forces de sécurité intérieure et des polices municipales est une évidence.

D'ailleurs, dans la loi du 23 mars 2020, nous avons permis aux polices municipales de sanctionner les infractions à l'état d'urgence sanitaire ; elles ont dressé un total de 152 949 contraventions. Je souhaite donc leur rendre hommage : c'est aussi par leur action, au contact des forces de l'ordre, que l'épidémie a pu reculer.

Pour la période de déconfinement, nous avons encore étendu les capacités à verbaliser les infractions à l'état d'urgence sanitaire, en autorisant notamment les agents de sécurité assermentés des opérateurs de transport et les policiers municipaux à verbaliser le non-port du masque.

Ce sont là des points importants, car, pour ma part, je suis convaincu que la sécurité de demain doit être appréhendée comme un sujet global : nous ne pourrons pas la construire sans les acteurs locaux. Ce qui s'est passé durant le confinement, comme ce qui se passe aujourd'hui, à l'occasion du déconfinement, apporte une preuve supplémentaire de la nécessité de faire monter en puissance les coopérations de cette nature.

Enfin, je voudrais aborder l'organisation des élections municipales. Comme vous le savez, dans plus de 30 000 communes, les conseils municipaux qui avaient été élus à l'issue du premier tour du 15 mars se sont installés. Dans les autres communes, ce sont les conseils élus en 2014 qui voient leur mandat prorogé jusqu'au second tour du 28 juin.

Ce second tour, je le pose comme un principe. La réversibilité en fonction de l'évolution sanitaire est toujours possible, mais, même si nous aurons l'occasion de discuter ensemble d'un projet de loi portant sur une éventuelle annulation, le décret que j'ai signé convoque bien les électeurs le 28 juin.

Sur ce sujet, je veux également souligner l'engagement exceptionnel de tous les élus dont le mandat a été prolongé dans un contexte difficile. Parfois, ils étaient battus, ou avaient décidé de ne pas se représenter. Pourtant, ils ont continué à exercer leurs fonctions, portant haut et fort leurs engagements. Je tiens à les en remercier.

Mais, avec le déconfinement, il fallait que la vie démocratique locale puisse reprendre ses droits. C'est pourquoi nous travaillons à la sécurisation de l'élection du 28 juin.

Je ne m'appesantirai pas sur la date, choisie en responsabilité, mais j'insisterai sur certaines règles : port du masque obligatoire - grand public pour les électeurs, et chirurgical pour les personnes tenant le bureau de vote et les scrutateurs -, organisation spécifique des bureaux de vote afin d'assurer la distanciation sociale, accès au gel hydroalcoolique ou à un point d'eau, règles de manipulation des stylos et des pièces d'identité. En résumé, nous reprenons la totalité des préconisations sanitaires exprimées par le Conseil scientifique.

Je me suis engagé, devant l'ensemble des associations d'élus, sur une prise en charge par l'État de la totalité des surcoûts liés à la dimension sanitaire du déroulement du vote.

Je voudrais souligner l'excellent travail réalisé par les communes à l'occasion de la préparation du premier tour : en peu de jours, l'organisation mise en place a été remarquable. Par conséquent, compte tenu des délais impartis, je ne doute pas que nous puissions garantir aux Français qui se déplaceront pour voter dans les 5 000 communes concernées par un second tour de le faire dans les meilleures conditions de protection sanitaire.

Cette période, j'insiste, révèle l'importance du travail que nous pouvons accomplir avec les collectivités territoriales.

Nos administrations ne sont pas toutes organisées sur le même échelon territorial. Le Premier ministre a fait le choix de conforter les préfets de département, de les faire monter en puissance. La gestion de la crise démontre que cet échelon de proximité, l'échelon départemental, que beaucoup pensaient ringard - peut-être m'est-il arrivé de le penser lorsque je siégeais dans un exécutif régional... -, est un levier majeur d'animation territoriale.

Je suis assez fier d'être à la tête d'un ministère de l'Intérieur qui a montré toute sa force de résilience. La période récente n'a pas été de tout repos. Les préfets ont fait face, depuis dix-huit mois, à des situations difficiles. Mais, quand il a fallu mettre en place les mesures d'accompagnement du confinement - en vingt-quatre heures - ou des dispositifs comme les cellules d'appui territorial à l'isolement, j'ai vu une machine impressionnante se déployer pour répondre à toutes les sollicitations, celles des maires, comme celles du Gouvernement ou de la représentation nationale, à travers les textes adoptés par ses soins.

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