Merci Monsieur le Président. Avec mon collègue Charles Guené nous avons entamé nos travaux d'auditions en janvier dernier et effectué deux déplacements en février, à Vesoul et Saint-Brieuc, pour rencontrer sur le terrain les futurs acteurs et partenaires (préfets, élus locaux, agences techniques départementales) de l'ANCT qui, comme vous le savez, me tient à coeur puisqu'elle a été créée par la loi du 22 juillet 2019 sur une initiative du groupe RDSE. Cette agence existe juridiquement depuis le 1er janvier 2020 mais elle n'était pas opérationnelle tant que les textes réglementaires d'application n'étaient pas publiés. Cette condition est maintenant remplie avec la publication ce lundi 1er juin de l'instruction du 15 mai relative aux modalités d'intervention de l'ANCT.
Dans cette communication d'étape, je vais vous présenter les premiers constats issus de nos travaux, ensuite, mon collègue Charles Guené vous dressera une liste de points de vigilance à signaler à l'ANCT pour souligner la priorité que nous entendons donner à l'accompagnement des territoires les plus en difficulté.
Le constat majeur, à l'issue des déplacements et auditions, est la diversité et l'hétérogénéité des politiques et moyens locaux en matière d'ingénierie dans les territoires.
Nous avons remarqué que les politiques publiques diffèrent très sensiblement d'un département à l'autre. Une soixantaine de départements disposent d'une agence technique sous forme d'établissement public administratif ou de syndicat. Les autres départements peuvent fournir, à partir de leurs moyens propres en régie, une assistance technique auprès de leurs collectivités.
Mais même pour les départements disposant d'une agence technique, leurs champs de compétence technique peuvent être très inégaux. Certains se limitent aux fonctions de base « voirie/urbanisme » et d'autres explorent de nouveaux besoins tels que l'étude prospective des potentialités d'un territoire ou des besoins en numérique et e-administration (en Haute-Saône et Côtes d'Armor), mais cela reste exceptionnel. Quoiqu'il en soit, dans la plupart des cas nous constatons soit un déficit de moyens, soit une absence de coordination ou tout simplement de connaissance mutuelle entre des acteurs locaux, parfois très proches géographiquement.
La difficulté récurrente pour les collectivités qui disposent de moins de moyens est d'accéder à une ingénierie stratégique et de conception qui leur permettrait d'identifier les potentialités de développement de leur territoire et de définir des projets. La logique des appels à projet venant du haut fait que l'aide ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin mais vers ceux qui disposent déjà d'une capacité technique minimale pour constituer des dossiers. La logique verticale et descendante ne répond pas à ce besoin et tout l'enjeu pour l'ANCT doit donc être de faciliter et d'accompagner l'émergence des projets locaux.
Pour cela, il manque une cartographie de tous les moyens d'ingénierie publique au sens large réunissant tous les moyens de l'État, de ses services déconcentrés et de ses agences, avec ceux des collectivités, de leurs établissements publics et de l'ensemble du réseau des agences de Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) dans une même base de connaissances qui serait mise en réseau. Cela permettrait dans un premier temps d'identifier tous les acteurs et de recenser finement les fonctions et compétences de chaque structure pour les mettre en réseau. Il nous semble par exemple qu'il s'agirait typiquement d'une mission à confier à l'ANCT.
Maintenant, quelques mots sur l'ANCT avant de passer la parole à Charles Guené.
La création de l'ANCT marque-t-elle le « retour de l'État dans les territoires » que notre proposition de loi sénatoriale entendait promouvoir ? La configuration de l'agence telle que créée par la loi du 22 juillet 2019, portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, et les moyens alloués diffèrent sensiblement de l'ambition du projet initial.
Les trois axes d'intervention de l'ANCT listés par l'instruction ministérielle sont d'abord « le déploiement de programmes d'appui territorialisés », puis « l'aide à la conception et à la mise en oeuvre de projets de territoires, dans le cadre de contrats territoriaux intégrateurs, les contrats de cohésion ». Le troisième axe, « l'appui en ingénierie et sur mesure à des projets locaux, qui ne pourraient aboutir sans le soutien spécifique de l'agence et de ses partenaires », est cité en dernier, or il s'agit de notre première préoccupation : développer du bas vers le haut, plutôt que renforcer les projets venus d'en haut.
Pour moi et l'ensemble des élus des territoires enclavés, l'enjeu majeur est que l'agence soit en mesure de sortir de la logique verticale visant à décliner localement les programmes décidés à l'échelle nationale. Quels seront les moyens humains et financiers effectivement dédiés au troisième volet relatif à « l'appui en ingénierie et sur mesure à des projets locaux » ? L'ANCT aura-t-elle les moyens de ses ambitions ? C'est précisément l'appui aux projets de territoire et l'aide à leur émergence qui doivent être érigés en priorité. Je partage les mêmes préoccupations que mon collègue Charles Guené.