La décolonisation du Suriname, comme celle d'autres pays, ne s'est pas passée sans heurts. Les deux pays entretiennent effectivement des liens très forts. L'ancien président Bouterse a été formé dans les rangs de l'armée néerlandaise, avant de devenir militaire au Suriname, puis de mener ses différentes carrières de président.
Les Pays-Bas sont un pays commerçant, disposant d'un énorme port historique qui a participé au développement du pays et de ses colonies et par lequel transitaient au XIXe et au début du XXe siècle les circuits d'acheminement légal de la drogue - jusqu'au début du XXe siècle, on pouvait en effet acheter de la cocaïne chez Bayer, par exemple. Ces réseaux ont été récupérés par des groupes criminels néerlandais. Toute une économie s'est mise en place après l'arrivée des groupes colombiens dans les années 1980. Les contacts entre Surinamais d'Amérique latine et des Pays-Bas ont permis un lien de confiance qui est essentiel : je vous fais d'autant plus confiance que je sais qui sont vos amis et vos enfants.
Dès les années 1990, les Pays-Bas sont devenus avec l'Espagne - elle aussi en raison de ses liens coloniaux en Amérique latine - et l'Italie une plateforme dynamique de l'importation de cocaïne et de distribution dans toute l'Europe de l'Ouest. Les Pays-Bas n'ont pas la législation la plus armée pour lutter contre le blanchiment, puisqu'elle n'interdit pas, contrairement à la France, les entreprises détenues par des holdings ou des trusts. La législation sur les casinos a été très utile pour le blanchiment. Cela a pu génèrer des flux financiers illicites très significatifs entre les Pays-Bas et les îles caraïbes néerlandophones. Cela permet des contacts entre les trafiquants surinamais et les opérateurs du blanchiment, qu'ils soient d'origine surinamaise ou non.
J'ai effectué une recherche sur la légalisation du cannabis dans certains États américains. Aux Pays-Bas, il n'est pas légal, mais toléré au niveau municipal. L'idée de départ, sympathique, mais un peu naïve, était de protéger la jeunesse néerlandaise des trafiquants en proposant une source alternative pour se procurer du cannabis. L'État n'est pas intervenu dans la production, qui est restée illégale. Dans les papiers officiels des années 2000, les coffee shops étaient censés être approvisionnés par des touristes néerlandais, ce qui était impossible... En réalité, il y avait une explosion de la production illégale aux Pays-Bas, qui s'est un peu calmée au tournant des années 2010 après la mise en oeuvre d'actions de police ciblée, dans un cadre de tension diplomatique sur les sujets. Certains ont même souhaité classer le pays comme narco-État, ce qui très exagéré.
Il y a en effet un projet de production légale soit étatisée soit réglementée, comme en Uruguay ou dans certains États américains. Un nombre croissant de pays comme les Espagnols et les Luxembourgeois, pour ne citer qu'eux, y réfléchissent aussi. J'ai été auditionné à l'Assemblée nationale à ce sujet : des travaux parlementaires existent aussi en France sur ce sujet.