Je vous remercie pour votre invitation. Je sais votre commission sensible aux questions de finances sociales et c'est bien volontiers que je réponds à vos questions en amont de l'examen du texte. Une nouvelle reprise de dette par la Cades constitue une nécessité de court terme au regard de la situation que nous traversons ; c'est également un outil pour affronter les grands défis de notre temps. Le temps court et le temps long représentent les deux aspects de ce projet de loi : le temps court du fait des circonstances et le temps long de l'ambition.
Il y a quelques mois, le retour à l'équilibre des comptes sociaux apparaissait proche et nous étions sur le point de fermer la Cades après vingt-huit années d'existence à apurer la dette. J'étais alors rapporteur général du budget de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale et nous nous félicitions, avec Jean-Marie Vanlerenberghe, des perspectives plus enjouées que jamais. Vous avez évoqué le rocher de Sisyphe et le tonneau de Danaïdes : la métaphore n'est pas fausse et l'année que nous venons de traverser l'atteste. La crise sanitaire rebat les cartes et nous assistons à la reconstitution, au moins temporaire, de déficits importants. Je le regrette autant que vous, mais il n'en demeure pas moins indispensable d'assurer le financement de la sécurité sociale, dont la trésorerie est gérée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) avec une contrainte sur la maturité des emprunts qui ne peuvent excéder douze mois. Cette trésorerie, grevée par 30 milliards d'euros de déficits cumulés à la fin de l'année 2019, a été soumise à de fortes tensions par les mesures prises et mises en oeuvre pendant la crise. Même dans la perspective d'un rebond de l'économie, les déficits à venir sont inéluctables. Or, seul un transfert à la Cades permet des placements sécurisants, car de long terme. Cette opération nous protégera contre le risque de devoir décaler le paiement des prestations sociales par manque de financement, situation que nul ne souhaite. En outre, l'hôpital public, dont chacun connaît les contraintes financières, trouverait dans cette reprise de dette de l'air et de la visibilité.
Ce projet de loi propose ainsi une opération de bonne gestion de la sécurité sociale. Il renouvelle l'engagement de rembourser la dette en application des principes de 1996, selon lesquels elle doit être gérée vertueusement et apurée au principal. Concrètement, nous devons prolonger de neuf ans, soit jusqu'en 2033, la durée pendant laquelle nous mobilisons à cette fin des recettes issues de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et de la contribution sociale généralisée (CSG).
À l'occasion de cet engagement, nous posons aussi la première pierre de la réforme très attendue de la perte d'autonomie. Comme en 1945 lorsqu'a été créée une assurance sociale publique contre le risque de maladie ou d'accident du travail, nous faisons le choix d'assurer un nouveau risque auquel font face un nombre croissant de Français. De fait, en 2040, près de 15 % de la population, soit 11 millions de personnes environ, auront plus de soixante-quinze ans ; c'est le double du chiffre actuel. Un travail important a été réalisé à l'Assemblée nationale sur la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale.
La question du traitement spécifique de la dette liée au Covid-19 relève à mon sens de l'échelon européen, mais nous devons agir rapidement. Dès lors, le présent projet de loi me semble représenter la meilleure, voire l'unique, solution envisageable.