Intervention de Olivier Véran

Commission des affaires sociales — Réunion du 23 juin 2020 à 18h05
Projet de loi organique et projet de loi ordinaire relatifs à la dette sociale et à l'autonomie — Audition de M. Olivier Véran ministre des solidarités et de la santé

Olivier Véran, ministre :

Le statut de la dette liée au Covid-19 pose une question complexe. Cette dette relève-t-elle de l'État, de la sécurité sociale ou est-elle hybride ? Mon inclination naturelle allait vers la troisième option - un statut spécial pouvant éventuellement bénéficier d'un amortissement particulier -, mais l'urgence l'a exclue. De fait, si nous obérons les capacités de la Cades à emprunter suffisamment sur les marchés, nous ne pourrons plus verser les prestations sociales. En 2011, le vecteur d'un transfert de dette à la Cades a déjà été utilisé afin de pouvoir emprunter sur le long terme.

La composante principale - 30 milliards d'euros - de la dette dite « dette Covid » concerne le financement du chômage partiel, qui relève certes d'une décision de l'État, mais reste une réduction ou une suppression de cotisations grâce à laquelle la sécurité sociale a joué son rôle d'amortisseur social, de préservation des emplois et de lutte contre la pauvreté.

L'autre partie de la dette Covid est la conséquence d'une augmentation de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) en raison des dépenses induites par la crise. J'ai encore des débats philosophiques avec mon homologue chargé des comptes publics s'agissant de la compensation, mais la sécurité sociale a indéniablement joué son rôle d'amortisseur de crise. Par ailleurs, l'État s'apprête à faire un geste important sur l'Ondam, sans qu'il soit question que la sécurité sociale rembourse les sommes allouées. Nous avons de la suite dans les idées, Bercy aussi.

La dette hospitalière représente, à mon sens, la conséquence d'un Ondam contraint pendant des années par la maîtrise médicalisée. Dès lors, il n'est pas incohérent qu'elle soit en partie reprise par la Cades. Vous avez également évoqué la trajectoire des comptes sociaux : nous prévoyons, dans le troisième projet de loi de finances rectificative, un calibrage de 52 milliards d'euros d'ici à la fin de 2020. Toutefois, la crise génère encore des dépenses et des pertes de recettes et je ne peux vous dire précisément, même au milliard près, quel en sera le bilan. Nous avons donc été prudents en débloquant de manière prévisionnelle des dépenses supplémentaires suivant un mécanisme défloré en 2011 par une autre majorité, qui avait alors anticipé des déficits de l'ordre de 59 milliards d'euros.

Vous m'avez aussi interrogé sur le transfert d'une partie de la CSG à la CNSA. Afin d'éviter, compte tenu des engagements pris auprès de nos créanciers, de modifier les règles de remboursement de la dette sociale, nous avons fait le choix d'attendre 2024 avant de procéder à ce jeu de tuyauterie destiné au financement de la perte d'autonomie. Tel que je l'ai présenté au Premier ministre, le mécanisme imaginé s'apparente à une renégociation de prêt bancaire : la durée de remboursement du prêt est prolongée et le montant des mensualités réduit.

Concernant l'utilisation des 2,3 milliards d'euros, vous savez que les prévisions du rapport de Dominique Libault sur les dépenses liées à la perte d'autonomie d'ici à 2030 sont vertigineuses : il évoque 7 à 8 milliards d'euros. Parce que la population vieillit, leur augmentation est inéluctable, sans compter les crédits nécessaires à la rénovation et à la construction d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), au maintien à domicile et à l'attractivité des métiers dans les secteurs du grand âge et de l'autonomie. Les 2,3 milliards d'euros annoncés ne seront donc pas suffisants et il faudra identifier des pistes de financement complémentaires.

Compte tenu des besoins, il convient d'engager des dépenses, avant 2024, dans le cadre d'une politique ambitieuse de l'offre. Aussi, je me suis engagé à l'Assemblée nationale à ce que figure dans le prochain projet de loi de financement au moins 1 milliard d'euros supplémentaire pour la CNSA, soit davantage que les 700 millions d'euros annuels prévus par la loi Delaunay du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement. Il conviendra néanmoins d'identifier d'autres sources de financement ; se tiendra à cet effet une conférence des financeurs sur l'identification des moyens de la CNSA. En outre, une mission de préfiguration de la cinquième branche a été confiée à un inspecteur général des finances qui connaît bien la CNSA pour y avoir siégé.

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