Intervention de Alain Milon

Commission des affaires sociales — Réunion du 24 juin 2020 à 9h35
Proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion — Nomination d'un rapporteur et examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Alain MilonAlain Milon, président, rapporteur :

À la date du dépôt de ce texte, le bilan mondial de l'épidémie de Covid-19 depuis le 31 décembre 2019 était de 7,88 millions de cas confirmés et de 433 259 décès. Pour la France, les chiffres étaient de 157 372 cas confirmés et de 29 436 décès déclarés.

Le virus Sars-CoV-2, inconnu quelques mois plus tôt, particulièrement insidieux, puisqu'il peut être transmis par des personnes dépourvues de tout symptôme, a probablement couvé pendant plusieurs semaines avant que l'explosion du nombre de cas ne menace la capacité même de notre système de santé à y faire face. Pour ralentir la progression de l'épidémie et aplanir la courbe des hospitalisations dans les services de réanimation, notre pays a connu huit semaines de confinement aux effets économiques et sociaux dévastateurs.

Les images d'hôpitaux débordés, de soignants désemparés et dépourvus d'équipements de protection, d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) semblant livrés à eux-mêmes ont surpris et choqué, alors que le système de santé fait partie de l'identité même de notre pays et de son pacte social. Comment un pays consacrant une part aussi significative de sa richesse nationale à la santé et plaçant les questions sociales aux tout premiers rangs de ses priorités pouvait-il se trouver dans une telle situation ?

Les travaux que nous avons conduits depuis le début de la crise sanitaire ont permis d'apporter certains éléments de réponse, de documenter le degré de préparation du pays et les raisons pour lesquelles la doctrine relative aux équipements de protection s'est révélée à la fois mal appliquée et inadaptée dans un contexte de crise mondiale. Ils seront versés à la commission d'enquête, qui devra encore éclaircir certains points. Au-delà, il s'agit de comprendre comment la crise a été gérée, de déterminer si les bonnes décisions ont été prises et comment elles ont été appliquées.

À cet effet, la proposition de résolution définit une feuille de route. Elle s'attache à examiner l'état de préparation de la France à la veille du déclenchement de l'épidémie ; la gestion de la crise sanitaire par les responsables politiques et administratifs ; les choix faits par la France, à la lumière des enseignements que l'on pourrait tirer des pays européens et asiatiques qui ont semblé mieux anticiper et gérer cette crise ; la gouvernance de la crise, les difficultés rencontrées par les personnels soignants, la gestion de la pandémie par les structures hospitalières, ainsi que par les agences régionales de santé (ARS) ; l'analyse des pénuries constatées ; la situation spécifique à laquelle les Ehpad ont été confrontés et la communication de crise.

La démarche est également précisée par l'exposé des motifs de la proposition de résolution. Il ne s'agit pas, pour le Parlement, de s'ériger en procureur, dont notre pays ne manque pas, même s'ils sont, pour la plupart, autoproclamés. Cet état d'esprit général a plus tétanisé que galvanisé les personnes appelées, à tous les niveaux de notre vie collective, à prendre des décisions, notamment dans le domaine économique. Il s'agit de comprendre pour agir et pour mieux affronter la crise sanitaire qui viendra. La crise actuelle n'est pas terminée et d'autres ne manqueront pas d'advenir, dans un monde où les échanges sont nombreux et rapides et où les réservoirs viraux sont de grande ampleur. Il s'agit donc, non pas de préparer la guerre - ce terme me semble inapproprié face à un virus -, mais bien de nous mettre en ordre de bataille pour favoriser la résilience du pays. La tâche est rude, car, sans anticiper sur les conclusions à venir de cette commission d'enquête, nous savons qu'un élément majeur a fait défaut : la confiance des Français dans la parole publique et dans les recommandations des autorités sanitaires.

Si la feuille de route est précise, il convient de noter que les finalités de l'enquête telles que définies par l'article unique sont, elles, particulièrement larges et ambitieuses, puisqu'il s'agit « de l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion ».

Il faudra, comme le précise l'exposé des motifs, « déterminer dans les domaines de l'action publique et de la vie économique et sociale les dispositions nécessaires pour que notre pays soit, à l'avenir, mieux protégé contre les grands fléaux sanitaires et puisse les affronter sans restrictions excessives aux droits et libertés, ni impact majeur sur l'activité et le revenu des Français ».

Je comprends que l'on cherche à évaluer tous les pans de l'action publique et de la vie économique et sociale à la lumière de cette crise. Nos concitoyens ont pu ainsi légitimement s'interroger sur le degré d'adaptation de l'équipement numérique du pays, sur la capacité de l'école ou de l'université à répondre aux enjeux du moment, sur le fonctionnement de certains services publics ou encore sur le degré de protection des salariés des entreprises. Les commissions permanentes du Sénat se sont employées, depuis le début de la crise, à explorer ces aspects dans leurs domaines de compétences et leurs conclusions seront versées au débat public.

Compte tenu du caractère limité dans le temps d'une telle structure et du calendrier particulier de ses travaux, qui seront marqués à la fois par la période estivale, le renouvellement sénatorial et la période budgétaire, il me semble qu'elle sera d'autant plus efficace que son champ sera clairement délimité.

En conclusion, mes chers collègues, je vous propose de conclure à l'opportunité de la résolution tendant à créer cette commission d'enquête, que j'avais d'ailleurs appelée de mes voeux en Conférence des présidents dès le début de la crise, et d'accepter le champ très large qui nous est proposé. Il appartiendra à la commission d'enquête et à son bureau de définir ses priorités, en gardant à l'esprit que face à un virus, la politique sanitaire est la mère des batailles !

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