Je tiens à partager avec vous mon incompréhension face à ce moment parlementaire au cours duquel nous examinons simultanément deux textes qui créent - et c'est un évènement historique - une cinquième branche de la sécurité sociale et qui organisent le traitement d'une dette exceptionnelle - de l'ordre de 130 milliards d'euros -liée notamment à la crise sanitaire récente.
La création de cette cinquième branche sera historique, si le financement est prévu, si la gouvernance est précisée, si la transversalité est sauvegardée, etc. Le ministre nous a invités hier à « prendre la balle au bond », mais un tel sujet aurait mérité un texte propre ou d'être inséré dans un PLFSS, afin de lui donner la solennité qu'il mérite et nous permettre d'avoir une discussion complète. Mon groupe est favorable sans réserve à la création de cette cinquième branche et à la prise en compte de la perte d'autonomie sans distinction d'âge ni de cause : c'est une bonne nouvelle, mais tout reste à faire.
S'agissant de la prise en compte des déficits, je salue le travail de notre rapporteur général, sa cohérence et ses efforts pour défendre le projet du Gouvernement. Mais je ne partage pas son analyse et mon groupe votera contre cette partie du texte. La crise sanitaire et économique sans précédent que nous connaissons justifie que le déficit créé soit pris en charge par la solidarité nationale la plus large. Des organisations syndicales, des économistes, le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale abondent aussi en ce sens. Il n'y a aucun obstacle à la mise en oeuvre d'une telle proposition, car la dette ne coûte rien aujourd'hui et la Banque centrale européenne (BCE) devrait maintenir des taux bas pendant encore plusieurs années - sauf à provoquer un cataclysme économique et financier en Europe.
De surcroît, notre proposition présente de nombreux avantages puisque les recettes que nous consacrions au remboursement de la dette - plusieurs dizaines de milliards chaque année - pourraient permettre de bâtir un nouvel équilibre financier de la sécurité sociale qui prenne en compte les besoins nouveaux : modernisation des hôpitaux, augmentation des ressources pour la santé, financement de la perte d'autonomie, investissements indispensables. Ainsi, nous n'aurions plus de nouveau déficit à traiter, alors que votre solution recrée du déficit. À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. Notre solution n'est pas déraisonnable, elle n'a pas d'inconvénient et beaucoup d'avantages. Elle aurait mérité d'être étudiée avec beaucoup d'attention.