Intervention de Marc-Philippe Daubresse

Réunion du 23 juin 2020 à 14h30
Débat sur la situation du logement et du bâtiment — Conclusion du débat

Photo de Marc-Philippe DaubresseMarc-Philippe Daubresse :

La situation du secteur de l’immobilier, chacun l’a dit ici, est d’une gravité extrême. Les chiffres dont nous disposons, monsieur le ministre, proviennent du secteur privé, non de votre ministère. Ils portent sur les trois mois impactés par la crise.

Les crédits immobiliers sont en recul de 40 %, les achats de logements anciens réalisés par les particuliers sont en chute de 62 %, les ventes des constructeurs de maisons individuelles sont en repli de 51 %. J’en passe et des meilleures…

Ces chiffres, vous ne les avez pas eus à temps, monsieur le ministre. Je le dis parce que Marie-Noëlle Lienemann, moi et d’autres avons connu cette situation. Il est très difficile pour un ministre d’infléchir la barre d’un bateau ayant une très grande inertie s’il ne dispose pas des chiffres à temps, en tout cas suffisamment tôt.

Rappelons-nous que, trois mois après le déclenchement de la crise des subprimes, un plan de relance de la primo-accession à la propriété dans le neuf avait été engagé sous l’impulsion de François Fillon et de Nicolas Sarkozy, après son discours de Toulon. Ont alors été décidés la vente de logements HLM en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement), le dispositif Scellier, la relance de l’accession sociale à la propriété et du logement social. Tout cela avait alors pris quatre mois.

J’ai vérifié les décrets : alors que j’avais été sollicité sur ces sujets en septembre de l’année 2008, les décrets ont été signés en décembre de cette même année. Une série de mesures ont été prises et ont constitué un véritable plan de relance du secteur du logement. De même, des mesures ont été prises pour le bâtiment, je pense aux dispositifs Devedjian.

Cette fois-ci, quatre mois après le début de la crise, on commence seulement à se préoccuper d’un plan pour le bâtiment ! J’espère que l’administration des finances – je ne vous en fais pas grief à vous, monsieur le ministre –, qui, de fait, pilote la récession du secteur du logement depuis deux ans et prend des mesures insoutenables, notamment pour le logement social, ne viendra pas raboter toutes les propositions que vous ferez.

Le problème dans notre État hypercentralisé est que Bercy est à la manœuvre dans presque tous les domaines. En ajoutant de la crise à la crise, l’inertie actuelle conduira à une situation ingérable.

Le débat de cet après-midi l’a montré, notre commission des affaires économiques, par la voix de Dominique Estrosi Sassone, l’a justement rappelé : un plan de relance est incontournable pour construire plus, plus durable et plus abordable.

Un tel plan doit être fondé sur quatre piliers.

Il s’agit, premièrement, de la rapidité d’exécution : le temps, c’est de l’argent, cela a été dit.

Il s’agit, deuxièmement, de la solvabilisation des ménages : on parle de la relance par l’offre, mais le sujet majeur aujourd’hui, c’est la solvabilisation des ménages, asphyxiés par la crise du Covid-19.

Il s’agit, troisièmement, de l’accès au confort des logements dans tous les territoires, pas seulement dans les plus grandes métropoles urbaines ; le secteur du bâtiment, qui représente 2 millions d’emplois et 500 000 entreprises, est non délocalisable.

Il s’agit, quatrièmement, Dominique Estrosi Sassone l’a dit, de faire revenir les investisseurs institutionnels dans le secteur du logement, notamment en accélérant les délais et les conversions de bureaux en logements.

Vous avez dit à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que, si rien ne repart, c’est parce que les banques ne font pas preuve de bonne volonté. §C’est un peu facile ! N’est-ce pas le ministre de l’économie et des finances qui a décidé en décembre 2019 de limiter le financement par les banques des projets immobiliers des ménages, notamment de nombreux jeunes ménages ? Aucun argument solide n’a pu être présenté à l’appui de cette décision.

Chacun, ici, peut citer le cas de jeunes ménages dans son département qui souhaitent accéder à la propriété, dont les dossiers sont conformes à toutes les règles, mais à qui les banques refusent un prêt.

Sophie Primas, Dominique Estrosi Sassone et Annie Guillemot l’ont dit : il faut organiser un « Ségur du logement ». C’est une bonne proposition. Nous ne pourrons pas éternellement nous contenter de rafistoler les dispositifs existants.

Nous proposons donc tout d’abord que les fameuses recommandations du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) soient mises en sommeil, au moins le temps de la reprise complète de l’économie, en particulier dans le secteur du logement.

Nous proposons ensuite de nous engager dans la voie de la numérisation – c’est un impératif – afin d’accélérer la relance. Il faut repenser les modes de travail et non pas simplement numériser les procédures. Il faut passer d’un système de contrôle bureaucratique a priori à des systèmes de contrôle a posteriori.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion