Monsieur Bas, votre première question porte sur le taux d’application des lois, en particulier des lois dont vous avez assuré le suivi.
Je ne sais pas si c’est un relâchement, mais, en effet, quelle que soit la méthodologie utilisée, nous enregistrons un taux d’application des lois moins satisfaisant que les années précédentes. Au 31 mars 2020, le Gouvernement a comptabilisé 106 mesures prises sur les 156 à prendre, soit un taux d’application de 68 %. Au 23 juin, ce taux s’élève à 82 %, puisque 25 nouvelles mesures ont été appliquées depuis le 31 mars.
La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique appelle 94 mesures actives, dont 77 sont appliquées à ce jour, ce qui porte le taux d’application de la loi à 82 %. Ce taux était de 57 % au 31 mars. Parmi les 17 mesures actives restant à appliquer, il est envisagé une publication dans les prochains jours de 8 d’entre elles, ce qui permettra d’atteindre un taux de 90 %.
La parution tardive des deux mesures d’application de l’article 91 et de l’article 49 de la loi est en partie liée aux effets de la crise sanitaire.
S’agissant du décret d’application de l’article 91 relatif à la titularisation des apprentis en situation de handicap, le projet de texte a été transmis au Conseil d’État au début du mois de février, après les consultations obligatoires – Conseil supérieur de la fonction publique, Conseil national consultatif des personnes handicapées, Conseil national d’évaluation des normes. Ce dernier étant toutefois prioritairement sollicité pour l’examen des textes liés à la crise sanitaire, l’examen du projet de décret susmentionné a été différé au mois d’avril. Le décret a ensuite été publié au Journal officiel le 7 mai dernier.
S’agissant du décret d’application de l’article 49, le Conseil d’État a été saisi du projet de décret en février, après que celui-ci a été validé lors d’une réunion interministérielle à la fin du mois de décembre 2019 et que toutes les consultations obligatoires ont été réalisées en janvier. L’examen en section, initialement programmé le 24 mars, a dû être reporté en raison des mesures de confinement. Il s’est tenu en avril. Dans le cadre d’une visioconférence, le décret a ensuite été publié le 6 mai.
Enfin, pour ce qui concerne le décret relatif à la mise à disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives du 19 mars 2020, il a été décidé de suspendre sa publication, qui n’apparaissait pas opportune dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, compte tenu de l’ampleur des conséquences sur le fonctionnement des juridictions. Cette suspension de publication a été dernièrement levée, de telle sorte que le projet de décret qui est en cours de contreseing devrait être publié d’ici à la fin du mois de juin ou le début du mois de juillet.
Quant au statut des ordonnances non ratifiées, le Conseil constitutionnel a en effet récemment jugé que leurs dispositions acquéraient valeur législative dès l’expiration du délai d’habilitation. C’est une décision inédite, pour reprendre le terme de son commentaire, puisque seule la ratification parlementaire permettait jusqu’alors de donner valeur législative à une ordonnance.
Je ne m’aventurerai pas au-delà de ces quelques considérations, et je ne peux que vous inviter à lire le commentaire de la décision, qui en éclaire la portée, mais aussi à faire preuve de prudence dans l’anticipation des conséquences que cette même décision pourrait produire. En tout état de cause, je rappelle que jamais les ordonnances n’ont fait l’objet d’une ratification systématique. Pour ne citer que cet exemple, entre 1960 et 1990, sur les 158 ordonnances prises, une trentaine seulement ont été ratifiées.
En 2008, lors de la dernière révision constitutionnelle, certains avaient proposé d’instaurer une ratification obligatoire, mais cette mesure n’avait pas été adoptée par la majorité.
En tout état de cause, vous savez combien le calendrier parlementaire est contraint. Il ne peut accueillir qu’une quarantaine de projets de loi, et c’est bien toute la difficulté à laquelle nous sommes confrontés.