Nous garderons de lui le souvenir d’un collègue fortement impliqué dans le travail parlementaire, particulièrement sur les questions concernant l’aménagement du territoire et l’agriculture, mais aussi d’un élu de terrain très attaché à son territoire et d’une personnalité chaleureuse, affable et pleine d’humour.
Né le 23 février 1951 à Saint-Juéry dans le Tarn, Alain Bertrand avait choisi la profession d’inspecteur des domaines après des études à l’École nationale des finances publiques de Clermont-Ferrand.
Il se fixa dans le département de la Lozère, qui devint sa terre d’adoption. C’est là qu’il s’engagea en politique en adhérant au parti socialiste, dont il devint premier secrétaire de la fédération départementale, et qu’il exerça de nombreux mandats locaux.
Il siégea au conseil régional du Languedoc-Roussillon de 1998 à 2011 et en devint à la fois vice-président et président de la commission « Montagne-élevage, chasse et pêche » de 2004 à 2011. À partir de 2001, il fut aussi conseiller municipal de Mende, puis maire de cette ville de 2008 à 2016. Au cours de cette période, il fut également président de la communauté de communes Cœur de Lozère.
Alain Bertrand a largement marqué de son empreinte la ville de Mende. Ainsi est-il à l’origine de bien des réalisations locales : il s’est notamment beaucoup investi pour doter l’hôpital de Mende Lozère des équipements les plus modernes.
En 2011, Alain Bertrand fit son entrée au Sénat, devenant le premier sénateur de gauche du département de la Lozère depuis la Seconde Guerre mondiale. Réélu lors des élections sénatoriales de 2017, il se consacra alors prioritairement à son mandat sénatorial. Il avait en effet choisi de conserver son mandat de sénateur « pour défendre fidèlement les intérêts de toute la Lozère ».
Au Sénat, c’était un membre particulièrement actif de la commission des affaires économiques, dont il était vice-président depuis 2014, après avoir été vice-président de la commission des affaires européennes. Il intervenait très régulièrement, en commission comme en séance, dans les débats concernant notamment l’aménagement du territoire et l’agriculture.
Alain Bertrand s’était en particulier illustré par son combat pour cantonner la présence du loup dans les seuls territoires inhabitables, considérant que le retour de ce grand prédateur semait le trouble et l’insécurité des biens et des personnes dans les campagnes, attaché qu’il était aussi au pastoralisme et à l’élevage.
La proposition de loi qu’il déposa, tendant à créer des « zones d’exclusion totale » au sein desquelles la présence du loup serait déclarée indésirable, répondait à ce dessein. Ce texte fut adopté ici même en 2013, et certaines de ses dispositions furent prises en compte par le Gouvernement dans le cadre du plan Loup 2013-2017.
En 2014, Alain Bertrand fut chargé par le gouvernement d’alors d’une mission temporaire sur les territoires hyper-ruraux qui a donné lieu à un rapport remarqué, dans lequel notre ancien collègue mettait l’accent sur la situation « critique, voire au seuil de l’effondrement » de ces territoires…
Selon lui – je cite les conclusions de son rapport –, « il ne peut y avoir de sous-territoire, de même qu’il ne peut y avoir de sous-citoyen et de minorité sacrifiée et interdite d’avenir au profit… non pas tant du bien-être de la majorité, mais plutôt du seul respect d’une vision dominante, nourrie par les habitudes, les indicateurs et la mécanique des processus de décision.
« La solidarité républicaine et la cohésion nationale doivent donc l’emporter, en s’appuyant sur un État modernisé et “vertébré”. »
Aussi formulait-il des propositions originales en ce sens, comme la création d’un « guichet unique hyper-ruralité » pour favoriser les initiatives, un droit à pérennisation pour les expérimentations efficientes et une règle de « démétropolisation », c’est-à-dire une « troisième décentralisation intelligente […] depuis les métropoles, les grandes villes et les capitales régionales vers les territoires hyper-ruraux ». Cette idée est à méditer en ces temps de propositions du Sénat sur une nouvelle étape de la décentralisation… Nous avons d’ailleurs mené un débat sur ces questions la semaine dernière.
Ces propositions ont permis l’éveil d’une prise de conscience au sein de l’exécutif. Des progrès ont été réalisés. Il reste encore beaucoup à faire.
La voix d’Alain Bertrand nous manque. La leçon de ce jour est aussi de rester fidèle au message qu’il a su porter ici avec tant de passion.
Au-delà de sa carrière politique brillante, de sa grande maîtrise de ses dossiers, de sa connaissance profonde du terrain, Alain Bertrand laissera le souvenir d’un homme convivial et bon vivant, amateur de rugby et de football.
Il avait une prédilection particulière pour la pêche – je puis le comprendre… Il fut ainsi longtemps – je n’ai jamais accédé à cette dignité !