Je me souviens – je ne suis pas le seul ! – du jour de son arrivée dans cette belle institution : poursuivi par des huissiers qui lui demandaient de ne pas allumer sa « roulée » dans la salle des Conférences, il leur répondit, tabac gris en main, qu’il représentait la Lozère, le plus grand et important département français. Le ton était donné dès le premier jour de son arrivée.
Je veux également saluer la mémoire d’un homme, son engagement social, socle de ses convictions politiques les plus fortes, et surtout son engagement en faveur de la ruralité, de l’hyper-ruralité, source inépuisable d’idées pour apporter un nouvel élan à nos campagnes.
Qui aurait imaginé que le terme « hyper-ruralité » allait être créé ici même, au Sénat ? Et qui aurait osé affirmer, au moment où l’on va beaucoup parler des métropoles, comme vous l’avez souligné, monsieur le président, que les questions fondamentales de l’unité républicaine et de la vie commune se posent aussi dans la ruralité et dans l’hyper-ruralité ? Il ne faut jamais oublier les habitants de toute la France, de tous les territoires, les grands comme les plus petits.
« À Mende, on n’a pas le Fouquet’s, mais on a Hyper U ! », disait-il §Les services publics sont importants dans nos territoires. Nous savons toutes et tous combien ce genre d’homme est précieux pour la République.
Derrière ses engagements politiques, parfois durs, toujours chronophages, il y avait l’homme. Il chérissait sa famille, sa fille Sylvie. Il aurait tant aimé connaître Pablo, son petit-fils, né à peine un mois avant sa mort. Je veux saluer sa sœur, son frère et sa famille, qui comptaient beaucoup pour lui.
Il était heureux, bon vivant, souriant et surprenant. Un homme simple, bon, généreux, partageant ce qu’il aimait avec ceux qu’il aimait. Sa passion pour la pêche, vous l’avez rappelé, monsieur le président, l’a amené à découvrir tous les cours d’eau. Armé de patience, de mouches fabriquées maison, bien évidemment, de sa canne et de ses clopes roulées, il traquait la truite partout dans les ruisseaux de la Lozère. À d’autres saisons, il chassait les bécasses et les grives, arpentant des hectares de forêt lozérienne avec son chien à la recherche de cèpes, de girolles et de morilles. Il revenait alors, comme il le disait, « aux sources de la vraie vie ».
Il n’y a aucune fatalité pour qui se bat pour une cause juste et noble.
Il était l’homme du terroir, l’homme d’une région qu’il aimait plus que tout, mais aussi l’homme des idées de gauche qu’il ne lâcha jamais. Il savait écouter, respecter, discuter et débattre avec tous, sans distinction, parce qu’il aimait les gens, tout simplement. Alain Bertrand savait que, sans amour des gens, sans humilité et sans empathie, autrement dit sans humanité, il n’y a pas de vie politique digne.
Au nom du Gouvernement, je voudrais adresser toute ma sympathie à vous-même, monsieur le président, ainsi qu’à toutes les sénatrices et à tous les sénateurs, aux commissions dont il a fait partie, ainsi qu’au groupe du RDSE, dont je salue le président, qu’il aimait tant pour la liberté de parole et la liberté de vote qui lui étaient autorisées.
Je veux de nouveau adresser à Mmes et MM. les membres de sa famille, à vous, Sylvie, à son gendre, à ses petits-enfants, à sa sœur, à son frère et à leurs conjoints, au maire de Mende et aux élus, mes plus sincères condoléances. La République perd un homme, un grand élu que nous regretterons longtemps.