Intervention de Christian Eckert

Commission d'enquête Concessions autoroutières — Réunion du 1er juillet 2020 à 16h35
Audition de M. Christian Eckert secrétaire d'état chargé du budget de 2014 à 2017

Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget de 2014 à 2017 :

Ces affaires datent de cinq ans. Je suis retiré des affaires depuis trois ans et je n'ai pas d'archives sur ce dossier. Mes souvenirs ne sont donc pas toujours très précis concernant les chiffres qui pourraient être commentés, et je vous prie de m'en excuser. Je traitais beaucoup de dossiers et ne me souviens plus de l'ensemble des chiffres sur le TRI ou des contributions des uns ou des autres. Vous pourrez donc penser que je suis un peu imprécis.

En 2012-2013, lorsque la commission des finances de l'Assemblée nationale a demandé ce rapport, le sujet était prégnant. Le contexte était celui d'un déficit extrêmement important et nous cherchions de l'argent partout. Nous avons donc pensé que nous pouvions trouver un complément de financements et de recettes du côté des sociétés concessionnaires d'autoroutes. Nous nous sommes rapidement heurtés au bétonnage des conventions de concession qui stipulaient - je caricature - que toute modification dans le régime fiscal des concessions ou que toute modification de la contribution due par les sociétés donnerait lieu à des compensations sur les tarifs des péages. Mes services m'avaient indiqué que changer quelques points sur la fiscalité et la contribution des sociétés concessionnaires pouvait entraîner des demandes de compensation, avec un risque juridique assez fort. Nous l'avions observé lors de l'épisode sur le plafonnement de la déductibilité des frais financiers dans le calcul de l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Nous avions fini par adopter une solution intermédiaire en décidant que le stock de contrats existants ne subirait pas de plafonnement, lorsqu'il y avait des concessions - pour l'ensemble des services concédés -, tandis que les nouvelles concessions subiraient ce plafonnement des frais financiers. Nous avions été confrontés à la même difficulté lorsque certains députés, notamment Jean-Pierre Chanteguet, avaient imaginé la possibilité d'augmenter une contribution. Je ne m'y étais pas rallié puisque nous craignions une répercussion sur les tarifs, compte tenu des clauses figurant dans les contrats. Ces contrats étaient verrouillés. Même si nous avions le sentiment qu'ils étaient assez favorables aux concessionnaires, - et c'est un euphémisme-, nous rencontrions des difficultés pour en changer l'équilibre. Telle était notre analyse en 2012-2013.

Le plan de relance autoroutier partait du constat que le secteur du BTP connaissait des difficultés. Je vous le raconte comme je l'ai vécu, et je l'ai mal vécu. En tant que secrétaire d'État, je suis invité avec d'autres de mes collègues ministres à Matignon pour une réunion où le marasme est constaté sur le secteur de l'aménagement, de la construction, du bâtiment et des travaux publics et où il est indiqué qu'un certain nombre de dossiers ne sont pas financés puisque l'Etat et les collectivités locales sont impécunieux. Avec Michel Sapin, nous nous rendons à l'invitation du Premier ministre, Manuel Valls, et ce constat est dressé. Le ministre de l'Économie Emmanuel Macron était présent, ainsi que le ministère des Transports. Nous nous retrouvons face aux sociétés concessionnaires, représentées par une délégation conduite par le président de Vinci Autoroutes, Monsieur Coppey. La réunion n'est pas très longue et une liste d'opérations de contournements et d'échangeurs est présentée, dans l'objectif de trouver un accord pour mener ces opérations avec un financement conjoint. La réunion n'est pas conclusive et s'achève avec un engagement à travailler sur le sujet et à faire le point trois semaines après. À ma surprise, je n'ai ensuite plus été invité aux réunions et j'ai appris, comme tout le monde, la conclusion d'un protocole qui aurait été élaboré par les deux ministres principalement concernés, à savoir Monsieur Macron pour le ministère de l'Économie et Madame Royal pour le ministère des Transports et de l'Environnement. Nous n'avons pas franchement appréciés d'être mis à l'écart, d'autant que l'allongement des durées de concessions et les évolutions des péages n'avaient pas été examinés par le ministère du Budget. Ce protocole prévoyait également le paiement d'une somme de 100 ou 200 millions d'euros, je crois, par les sociétés concessionnaires, au titre de la taxe d'aménagement. Nous approchions de la fin de l'année et la somme n'était pas négligeable pour le calcul du solde et du déficit budgétaire. Nous avons évoqué ce versement des sociétés concessionnaires pour savoir s'il interviendrait avant la fin de l'année ou l'année suivante. La directrice de cabinet de Michel Sapin a rencontré d'importantes difficultés pour connaitre la date de ce versement. Ce n'est qu'au bout de quelques jours que Claire Waysand a obtenu la réponse puisque nous n'avions pas le protocole : le versement était intervenu et pouvait être comptabilisé sur l'exercice en cours.

Mes positions vis-à-vis des concessionnaires sont relativement connues : je les ai souvent exprimées sur des services publics comme l'eau potable ou l'assainissement. J'ai la même position sur les concessions d'autoroute. Mon ministère a été très largement tenu à l'écart de ces discussions et je le regrette beaucoup.

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