Intervention de Jean-Philippe Vachia

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 1er juillet 2020 à 9h05
Audition de M. Jean-Philippe Vachia candidat proposé par le président de la république aux fonctions de président de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

Jean-Philippe Vachia, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques :

Je répondrai tout de suite à Marie Mercier : je n'ai jamais été candidat à une élection. Le seul mandat électoral que je détiens, c'est celui de président du conseil syndical de mon immeuble, et je peux vous assurer que ce n'est pas une sinécure !

La participation des partis politiques européens au financement électoral n'est pas possible dans le droit national, mais le Conseil d'État l'a autorisé pour les élections européennes. D'après François Logerot, la question ne s'est pas vraiment posée in concreto. Sinon, la CNCCFP aurait bien entendu suivi l'avis du Conseil d'État. Pour l'avenir, même si ce n'est pas une nécessité juridique, il serait préférable d'amender les textes afin d'éviter des errements lors de la prochaine campagne des élections européennes. Aujourd'hui, le sujet est donc réel, mais théorique.

S'agissant des moyens, la CNCCFP dispose en 2020 de 58 équivalents temps plein travaillé (ETPT), qui ne seront finalement pas complètement consommés en raison du report des dates limites de dépôt des comptes de campagne pour les élections municipales. Comme la commission a six mois pour examiner les comptes de campagne, ses travaux vont s'étaler jusqu'en 2021.

Par ailleurs, les moyens budgétaires ne sont pas négligeables, notamment pour financer le projet de dématérialisation, d'une part, et l'installation dans les nouveaux locaux, d'autre part, puisque le bail actuel des bureaux rue du Louvre vient à expiration à la fin de cette année. Pour ce que j'en connais, les moyens de la commission me semblent adéquats. L'impératif et le pari des années à venir, c'est la mise en place de cette dématérialisation, qui n'est pas seulement une fin en soi : celle-ci doit nous permettre de faire faire autre chose, notamment dans le domaine de la digitalisation de la vie publique, à des personnes qui, aujourd'hui, réalisent des tâches physiques répétitives.

Vous avez évoqué des décisions de la CNCCFP réformées par le Conseil constitutionnel. Je peux me tromper, mais il me semble que, dans l'immense majorité, le juge électoral confirme les décisions de la commission.

Jean-Pierre Sueur, je me pose la même question que vous concernant les flux entre les partis et les candidats. La situation est la suivante : au cours de l'année N, un candidat dépose son compte de campagne. Nous disposons de 6 mois pour l'examiner : même si ce délai déborde au début de N + 1, lorsque nous examinerons le compte de campagne de l'année N, nous n'aurons pas, par définition, le compte du parti politique pour l'année N puisqu'il est déposé, au plus tard, le 30 juin de N + 1, et cette année le 11 septembre.

Très clairement, cette situation n'est pas satisfaisante. Il faut organiser un dispositif qui permettrait d'avoir un accès, au titre de l'examen du compte de campagne, aux écritures comptables - je ne parle pas du compte puisqu'il n'est pas clôturé - du parti politique soutenant le candidat. Il faut nécessairement prévoir ce dispositif dans un texte de loi, puisque cela donnerait à la CNCCFP un pouvoir d'intrusion dans le compte d'un parti politique dont elle n'a pas, a priori, le droit de contrôler les dépenses.

En ce qui concerne les comptes de la campagne présidentielle, l'une des modifications de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel prévoit une annexe aux comptes de campagne des candidats, retraçant de manière détaillée les flux financiers avec les partis politiques. Mais il serait assez logique d'avoir un droit de suite pour vérifier que ce que l'on nous présente dans l'annexe du compte de campagne se retrouve bien dans le compte du parti politique. C'est la principale innovation à envisager, sachant que l'écriture en sera très délicate. Il faudra sans doute avoir recours à l'assistance des commissaires aux comptes du parti politique concerné.

Vous m'avez demandé, Jean-Pierre Sueur, s'il fallait aller plus loin et avoir une sorte d'observateur ou de délégué au sein de l'équipe de campagne pour surveiller les dépenses électorales. Cela me paraît assez intrusif et délicat, car cela fait peser sur les épaules de cette personne de très lourdes responsabilités. Je préférerais m'en tenir à un examen in vivo du compte de campagne. On pourrait imaginer, quand on examine le compte de la campagne présidentielle, de se faire communiquer une situation des recettes et des dépenses du parti politique au 30 mai ou au 30 juin, et ensuite de vérifier si cela répond aux exigences de tout compte, qui sont notamment la sincérité, l'exhaustivité et le respect de la séparation des exercices. Je suis désolé de vous faire une réponse comptable ! Il est vrai que, dans l'absolu, le système n'est pas bouclé - c'est la première réaction qui me vient à l'esprit.

Sur les décisions de la CADA, le problème qui se pose à la CNCCFP porte en réalité non pas sur les comptes en eux-mêmes, qui tiennent en trois ou quatre pages, mais sur les pièces comptables et les factures annexées. Ces documents sont sous forme papier pour l'instant et ne sont communicables que s'ils sont anonymisés. Des agents de la CNCCFP sont aujourd'hui employés à faire des photocopies et à anonymiser le nom du fournisseur Dupont ou de l'imprimeur Durant sur chaque facture avant de pouvoir la communiquer. Ce système est d'une lourdeur effroyable, et d'un coût pour les finances publiques qui doit être relevé.

Il faudrait dématérialiser les pièces comptables des partis ou des candidats, ce qui n'est pas nécessairement une mince affaire, surtout si on s'adresse à de petites entreprises locales. Le sujet est difficile.

Sur le contrôle des reçus-dons, la situation est différente selon qu'il s'agit des dons aux partis politiques ou des dons des personnes physiques aux campagnes électorales.

Dans le premier cas, la liste complète des donateurs personnes physiques, d'une part, et les souches des dons, d'autre part, doivent être remises avec les comptes des partis. Des contrôles sont faits, notamment pour veiller à ce que le plafond de 7 500 euros ne soit pas dépassé.

Le second cas est plus compliqué. La dématérialisation devrait rendre beaucoup plus facile ce type de contrôles : il suffira de veiller à ce que telle personne n'ait pas fait plusieurs dons. Les choses ne sont tout de même pas si simples, parce qu'une même personne physique pourrait employer des comptes différents, avec des intitulés bancaires différents.

J'attends beaucoup de la dématérialisation pour avancer sur ces sujets, sachant que le système est en partie bouclé par le fait que les dons sont plafonnés pour obtenir l'avantage fiscal prévu par l'article 200 du code général des impôts. Un foyer fiscal de deux personnes ne peut pas bénéficier de la réduction de 66 % au-delà de 15 000 euros de dons : ce contrôle relève de la direction générale des finances publiques (DGFiP), avec laquelle la CNCCFP a des échanges.

Il existe une centaine d'organismes de formation dans le domaine politique, mais seuls huit ou neuf sont des « filiales » de partis. Tout ce que peut faire la CNCCFP, c'est regarder si le compte de la filiale se trouve bien dans celui du parti politique : elle n'a le droit de regarder ni les dépenses du compte de formation ni les dépenses du parti lui-même. Faut-il avoir une capacité de « contrôle » des dépenses de l'organisme de formation ? La question est pertinente, mais je la présenterai de manière différente : pourquoi s'arrêter à l'organisme de formation ? La véritable question, c'est le pouvoir de veille qui doit être exercé en cas d'élection pour s'assurer qu'il n'existe pas d'autres personnes morales qui, d'une manière ou d'une autre, consentiraient à toutes sortes d'avantages aux candidats : rabais, prise en charge de dépenses, etc.

Je préférerais avoir une équipe plus complète qui s'occupe de la veille sur les réseaux sociaux que d'avoir des agents employés à noircir des noms sur des factures photocopiées...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion