Intervention de Haoues Seniguer

Commission d'enquête Combattre la radicalisation islamiste — Réunion du 28 mai 2020 à 11h00
Audition conjointe de Mm. Mohamed-Ali Adraoui marie sklodowska curie fellow at the london school of economics centre for international studies et haoues seniguer maître de conférences en science politique à sciences po lyon chercheur au laboratoire triangle ens-cnrs umr 5206 lyon directeur adjoint de l'institut d'études de l'islam et des sociétés du monde musulman ehess-cnrs ums 2000 paris

Haoues Seniguer, maître de conférences en science politique à Sciences Po Lyon :

Des phénomènes ou comportements publics rigoristes et des revendications communautaires existent en effet. J'ai néanmoins cherché à m'interroger sur la relation mécanique posée entre l'islamisme comme politisation exacerbée des normes de l'islam, d'une part, et des comportements subséquents à ce discours, d'autre part. Sur la question du burkini ou des revendications communautaires, cela n'est pas forcément porté par les acteurs identifiés comme des islamistes. L'exemple du burkini est tout à fait intéressant, car il n'est pas possible de lier factuellement le discours islamiste à la promotion du burkini. J'ai rencontré une des responsables d'Alliance citoyenne, l'organisation grenobloise qui a défendu les femmes qui se sont rendues à la piscine de Grenoble pour se baigner en burkini. Celles qui l'ont porté n'étaient pas nécessairement favorables au fait de se rendre à la piscine pour se baigner dans cette tenue. La revendication est née du fait que ces femmes vêtues ordinairement d'un voile accompagnaient leurs enfants dans cette piscine. Elles ne souhaitaient pas pour autant se baigner dans cette tenue, mais assurer la surveillance de leurs enfants. Ces femmes qui portaient le burkini ont parfois été appelées par leur famille dans leur pays d'origine, qui leur reprochait de s'être rendues à la piscine dans cette tenue. Il ne s'agissait donc aucunement d'un acte idéologique ou d'une vision stratégiste. Cet exemple me semble intéressant pour interroger les liens entre islamisme et comportements publics de type rigoriste.

Un deuxième exemple démontre l'individualisation du « croire ». Lors du vote de la loi de 2004 interdisant les signes religieux dans les écoles, collèges et lycées, l'UOIF n'a pas appelé à manifester mais s'est rangée du côté de la loi, en appelant les musulmanes à s'y conformer. Il s'agit pourtant d'une organisation frériste.

Vous avez évoqué l'islam de France ou républicain. Il existe plusieurs islams : africain, maghrébin, etc. Un islam de France est soucieux du contexte dans lequel il s'inscrit et évolue. Il s'agirait donc d'appeler de nos voeux une cohérence entre le contexte et l'islam pratiqué. Au Maroc, par exemple, la temporalité est assise, à certains égards, sur le religieux officiel. En s'en tenant à une vision rigoriste et conservatrice, l'islam est intégraliste. Cette vision est bien installée au Maroc, en Tunisie ou en Algérie. L'intégralisme suppose que la religion doit avoir une dimension publique.

S'agissant de la laïcité, les acteurs islamistes situés sur le territoire français ne revendiqueront jamais la laïcité en contexte majoritairement musulman, puisqu'ils ne sont pas en phase avec l'idée d'une séparation entre politique et religion. Les islamistes refusent même l'expression « islam politique » et y préfèrent celle d'islamisme. La première supposerait en effet que l'islam ignore la politique. En France, se sachant redevables au principe laïc, qui leur donne la possibilité d'une liberté de conscience, d'organisation et de culte, ils l'acceptent au moins juridiquement et se conforment à la loi.

2 commentaires :

Le 04/07/2020 à 23:40, aristide a dit :

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"Lors du vote de la loi de 2004 interdisant les signes religieux dans les écoles, collèges et lycées, l'UOIF n'a pas appelé à manifester mais s'est rangée du côté de la loi, en appelant les musulmanes à s'y conformer. Il s'agit pourtant d'une organisation frériste."

C'est un fait qu'il y a pas de réelle volonté des associations musulmanes de s'insurger contre cette loi discriminatoire et raciste qui frappe les femmes supposées musulmanes. Si non ça fait longtemps qu'elles auraient repris mes arguments, chose qu'elles se gardent bien de faire.

La conformité au système en place plutôt que la défense efficace par la libre pensée, voilà ce qui mine le corps social en général, et les musulmans en particulier.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 05/07/2020 à 10:23, aristide a dit :

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"En France, se sachant redevables au principe laïc, qui leur donne la possibilité d'une liberté de conscience, d'organisation et de culte, ils l'acceptent au moins juridiquement et se conforment à la loi."

C'est une blague ? La laïcité et l'islam ne cessent de se heurter, comme deux plaques tectoniques qui se rencontrent, avec les secousses sismiques que l'on connaît, alors après dire que l'islam est redevable à la laïcité, c'est de l'humour décalé.

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