Sur la question de l'islam du XXIe siècle, de la modernité, de France ou de l'obscurantisme, le mot « islam » ne doit jamais être utilisé. Derrière les effets d'annonce, il y a des personnes. La vision normative que chacun est en droit d'avoir sur un corpus religieux est naturelle, mais en termes politiques, il s'agit de rompre avec l'idée que le religieux est au centre de la réflexion. Il n'y a pas d'islam, mais des acteurs à référentiel religieux qui ont des droits et des devoirs. Il s'agit du propre d'une démocratie que de mettre au coeur de son action la citoyenneté, qui s'accompagne de droits et de devoirs. Dans le respect de ce contrat social, il n'y a pas vocation à penser un bon ou un mauvais islam, puisque nous avons à faire non pas à du religieux mais à des individus, qui vivent leur citoyenneté. L'idée d'une crise de l'islam me semble dès lors problématique, puisqu'il possible de prouver que « l'islam » se démocratise. Le religieux est une des variables qui nous permettent, avec modestie, de comprendre le monde dans lequel nous vivons. Il y a l'idée aujourd'hui que certaines formes de traditionalisme religieux s'accommodent de l'exercice d'une citoyenneté française au XXIe siècle.
Sur la question du salafisme, aucun sociologue ne peut aujourd'hui affirmer que celui-ci a vocation à disparaître. L'implantation d'une religion donnée sur un territoire donné s'opère à partir d'une multitude de visages. Il existe aujourd'hui des associations de musulmans homosexuels et des mouvements radicaux. Il est bon de s'interroger sur ce que pensent les mouvements radicaux, mais à titre sociologique et culturel, ils ne disparaîtront pas, comme le mouvement lefebvriste au sein de l'Église catholique n'a pas disparu. L'idée d'une grande épreuve qui touche l'islam et les musulmans de France s'apparente à une scénarisation de l'islam, alors que nous devrions réintroduire de la banalisation. Nous ne pouvons pas dire que la religion musulmane est aujourd'hui en situation d'échec après 10 à 20 ans de visibilité religieuse accrue, puisque ce constat consisterait à affirmer que la République est un échec. Des millions de discriminations et d'actes racistes s'observent aujourd'hui en France. Nous ne pourrons jamais dire de manière sérieuse que la République a échoué ; il existe des enjeux et défis qui touchent un certain nombre de groupes sociaux. Il est nécessaire de raisonner de manière extrêmement froide sur ces questions, plutôt que de scénariser et de passionner outre-mesure le débat.